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Antidote à l'avarice

Antidote à l'avarice

Titel: Antidote à l'avarice
Autoren: Caroline Roe
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identifiables. Un musicien jouait très fort un air vif dans l’espoir de gagner une pièce ou deux, ou, tout au moins, de se faire offrir à boire. La majeure partie de la clientèle semblait toutefois préoccupée par une seule chose, s’arroser le gosier avec autant de vin de la cuvée maison qu’elle le pouvait, et elle ne lui prêtait pas attention.
    À l’extrémité d’une des longues tables à tréteaux, tout près de l’âtre, trois voyageurs étaient assis en silence – Rodrigue de Lancia, le frère Norbert et un élégant jeune homme qui n’avait pas plus de vingt ans. Le visage rond du moine était plus maigre et plus défait qu’un mois plus tôt, en Avignon. Le jeune homme et Rodrigue délaissèrent leur souper de pain et de fromage à l’entrée bruyante d’un nouvel hôte et de ses trois impressionnants serviteurs. C’était Don Gonsalvo. Don Rodrigue eut un sourire glacial.
    — Don Rodrigue ! s’écria Gonsalvo en se précipitant vers eux. J’ai appris que vous me précédiez sur la route et j’ai éperonné sans merci mon pauvre cheval pour vous rattraper. Holà, aubergiste, du vin et de cet excellent fromage !
    — Bonsoir, Don Gonsalvo. Vous paraissez de belle humeur.
    — Je le suis en effet. Plus je suis proche de mon foyer et plus mon humeur s’améliore. Vous rendriez-vous par hasard à Barcelone, Don Rodrigue ?
    — Hélas, non, dit Rodrigue que cela ne semblait pas chagriner. Je suis en route pour voir mon cousin. Je vous laisserai demain à l’aube.
    — Avez-vous d’autres nouvelles de son procès ? demanda le nouveau venu, assez fort pour que tout le monde l’entende.
    — Tant que le jugement ne sera pas entre les mains de Sa Majesté, nous n’en pourrons rien savoir, répondit Rodrigue d’un ton sec.
    — Pour ce qui est de mon affaire, la décision est également envoyée à Barcelone, en ce moment même, murmura Gonsalvo en se penchant vers son interlocuteur. Chaque fois que je vois galoper un cheval, je me demande si son cavalier l’emporte avec lui. C’est pour cela que je vais là-bas au lieu de rentrer directement chez moi.
    Rodrigue ne lui répondit pas.
    Gonsalvo leva son gobelet et salua le moine.
    — À votre santé, mon père, dit-il d’un ton joyeux. Nous nous sommes rencontrés en Avignon, n’est-ce pas ? Il faisait bien froid, si je m’en souviens bien. Ce bon feu est plus agréable à nos doigts.
    Le moine hocha la tête avant de se perdre à nouveau dans la contemplation de l’assiette qu’il n’avait même pas touchée.
    Gonsalvo se tourna vers le jeune élégant.
    — Et vous, señor, êtes-vous aussi un voyageur ? Ne vous ai-je pas déjà vu en Avignon ?
    — J’y étais, mais il y a douze mois de cela. Si vous vous y trouviez à cette époque, peut-être nous sommes-nous croisés. Depuis, j’ai vécu à Montpellier, señor, expliqua-t-il avec politesse. Pour augmenter mes connaissances et vider ma bourse. Je voyage de Figueres à Gérone pour rendre visite à mon oncle.
    — Vous n’avez pas beaucoup avancé aujourd’hui, dit le gros homme. Vous feriez un bien lent compagnon de voyage, ajouta-t-il avec un gros rire. À ce rythme-là, il me faudrait un an pour rentrer chez moi !
    — Mon départ a été très retardé, señor, et je préfère ne pas chevaucher de nuit, ce qui m’a permis de jouir de votre compagnie. Je m’appelle Fortunat.
    Sur ce, il s’inclina et lui adressa un sourire narquois comme si tout cela l’amusait.
    — Moi, c’est Gonsalvo. Nul doute que vous avez déjà rencontré Don Rodrigue et le bon frère Norbert. Nous venons tous trois d’Avignon.
    — Mais pas ensemble, intervint le frère avant de retomber dans le silence.
    — Pas jusqu’à présent, et je serais enchanté d’avoir une autre compagnie sur les routes que celle de mes serviteurs. Ces balourds ne connaissent ni chansons joyeuses ni contes amusants.
    Le frère fit signe qu’on leur apporte du vin.
    Joviale et corpulente, la femme de l’aubergiste – toujours patiente et de bonne humeur quand elle y voyait son intérêt – se hâta de remplir leurs gobelets avant de porter sa cruche presque vide vers une table proche de la cheminée. Le petit homme sec qui y était installé contemplait les braises et ne paraissait pas avoir envie de boire. Elle s’arrêta.
    Elle le connaissait assez bien. Il passait souvent par là, et elle ne l’avait jamais vu boire au point de tomber dans une douce torpeur. Elle posa sa
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