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Antidote à l'avarice

Antidote à l'avarice

Titel: Antidote à l'avarice
Autoren: Caroline Roe
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puisse songer à lui.
    — J’en ai fait la remarque au père Bernat, continua le lainier. Et le bon frère m’a indiqué qu’on lui demanderait de signer des documents, pas d’achever la cathédrale, ce qui reste dans ses possibilités.
    — Mais pourquoi nommer vicaire votre pire ennemi ?
    — Pourquoi pas ? Il sera ainsi trop occupé pour nuire à l’évêque. Et Son Excellence a encore plus d’ennuis aujourd’hui qu’au moment de votre départ. C’est du moins ce que l’on dit.
    — Ces nouvelles ne m’enchantent pas, mon ami. En plus d’être imprévisible, Don Arnau doit prendre quatorze avis différents avant de décider s’il peut ou non déjeuner. J’ai quelque affaire qui se présente devant le tribunal épiscopal, et cela risque de me coûter beaucoup.
    — Nous devons tous souffrir, mon ami. Je perds mon médecin, et vous attendez votre jugement.
    Et les deux hommes, confiants dans leur prospérité, traversèrent la place inondée de soleil, marchant d’un pas joyeux vers la certitude d’un excellent dîner, sans cesser pour autant de se lamenter.
     
    Le mur nord de la ville de Gérone se dresse bien au-dessus de la rivière Galligants et du faubourg de Sant Feliu ; méprisant l’abri de la muraille et bâtie au sommet de la colline, la cathédrale de Santa Maria s’élève encore plus haut. En dehors de la ville, l’église de Sant Feliu pointe son clocher comme un défi à la présence écrasante de la cathédrale. Et à quelque distance de là, au nord et à l’est, se profile la silhouette gracieuse, bien qu’un peu lourde, de l’abbaye bénédictine Sant Pere de Galligants.
    Les trois tours somnolaient dans le calme de l’après-midi. Mais, à l’intérieur du triangle qu’elles formaient, l’abbé de Sant Feliu, homme par nature ambitieux et impatient, faisait les cent pas sur le parvis de Sant Pere, oublieux de la paix, de la beauté ou même de la pesanteur de la pierre qui l’entourait. S’il avait été dépourvu de sa robe et de sa tonsure et vêtu d’une culotte et d’une tunique bien coupées, si ses cheveux bruns avaient été coiffés à la dernière mode, Don Vidal de Blanes eût parfaitement tenu sa place à la cour. Sur un cheval fougueux, l’épée à la main, il eût pu conduire un régiment d’hommes aguerris. Mais, en dépit de sa noble lignée et de son allure martiale, Don Vidal avait été destiné à l’Église, et il n’appartenait plus qu’au cloître. C’était, jusque dans la moelle de ses os, jusque dans la dernière goutte de son sang, un ecclésiastique inflexible et combatif. Et pour l’heure, à en juger d’après l’expression de son visage, sa combativité prenait le dessus. Don Vidal était mécontent.
    — Il ne mérite pas le nom d’évêque. Cet homme est une honte. Pour la ville, pour le diocèse, pour notre sainte mère l’Église elle-même, dit un moine gris qui se tenait sur les marches de la chapelle.
    Il se tourna vers l’abbé pour lire sa réaction à de tels propos et baissa à nouveau les yeux.
    Don Vidal s’arrêta.
    — Non, dit-il enfin, vous n’êtes pas le premier à venir me narrer de pareils contes, mais cela n’aide en rien notre mère l’Église que d’ajouter des mensonges et de faux rapports à une situation déjà alarmante. L’abbesse a agi de manière insensée, mais je ne crois pas qu’elle ait oublié ses vœux. L’évêque est irréfléchi, téméraire et parfois insouciant, mais ce n’est pas un homme mauvais, de même qu’il n’a pas porté l’opprobre sur l’Église.
    Il fronça les sourcils et se détourna du moine. Un chien trottait vers le pont, tout à ses affaires. Non loin, un ouvrier se mit à siffler une complainte. Soudain, l’abbé traversa la place d’un pas rapide et prit la direction du petit cimetière.
    — Nous allons marcher, lança-t-il. Faites-moi une nouvelle fois votre rapport, mon frère, mais réfléchissez à ce que vous dites, et cette fois-ci débarrassez-le de toute malice.
    Ces derniers mots parvinrent difficilement aux oreilles du moine qui s’essoufflait à rattraper l’homme qui le précédait.
     
    L’évêque Berenguer prit le crâne hérité de son prédécesseur et plongea son regard dans les orbites vides.
    — Rassurez-vous, Bernat, dit-il à son secrétaire. Je comprends fort bien la situation. J’ai entendu les rumeurs et, aussi folles soient-elles, je sais qu’elles ne peuvent pas me faire de bien. Elles ne peuvent pas
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