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Abdallah le cruel

Abdallah le cruel

Titel: Abdallah le cruel
Autoren: Patrick Girard
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la porte du Pont. Ce n’est pas ce genre de
récompense que je souhaite. Mon maître t’envoie son salut et te sait gré d’un
certain message. Je te rends par ailleurs ton général.
    — Sa famille sera heureuse de
le revoir et j’apprécie ce geste bien que cet officier me soit inutile. C’est
un maladroit et un incapable. S’il n’avait pas été puni par une longue
captivité, il aurait eu à répondre de ses actes. Que veux-tu de moi ?
    — Samuel Ibn Hafsun te prévient
qu’il ne t’attaquera pas si tu le laisses en paix et te propose de conclure une
trêve d’un an.
    — Quel est mon intérêt dans
cette affaire ?
    — Tes armées ont d’autres
choses à faire.
    — J’accepte à une seule
condition. Toi et tes compagnons, vous resterez ici comme otages. Tu es le
meilleur officier de Samuel Ibn Hafsun et il n’entreprendra rien sans t’avoir à
ses côtés.
    — Je me doutais de ta réponse
et j’accepte avec plaisir ton hospitalité.
    L’annonce de la trêve signée avec un
apostat provoqua la colère des foqahas et des Musulmans les plus pieux. L’un
d’entre eux, Abou Ali al-Sarradj, ainsi surnommé car il était bourrelier de
métier, abandonna son échoppe. Vêtu d’une tunique de laine grossière et chaussé
de sandales d’alfa, il parcourait les campagnes et prêchait le djihad. Lors de
son passage dans une bourgade proche de Djayyan, des soldats s’approchèrent de
lui. La foule s’écarta. Lui continuait à discourir comme si de rien n’était.
L’officier lui ordonna de se taire et ajouta :
    — Tu n’as rien à craindre de
nous. Nous ne sommes pas venus t’arrêter. Mon maître, un grand seigneur, veut
te voir.
    Le bourrelier fut conduit chez le
prince Ahmad Ibn Moawiya, l’arrière-petit-fils de l’émir Hisham. Comme nombre
de parents du souverain, il avait été contraint de quitter le palais et avait
trempé dans la conspiration contre Kasim. Depuis, il vivait retiré sur ses
domaines, attendant le moment propice pour déclencher une insurrection. Il
avait de bonnes raisons de s’opposer à l’émir. Quelques mois plus tôt, il
s’était rendu à Kurtuba pour certaines affaires et avait sollicité du monarque
une audience, arguant de sa parenté. Le hadjib lui avait répondu que son nom ne
figurait pas sur la liste des personnes de naissance noble. Son titre de prince
lui avait été retiré car il n’était qu’un arrière-arrière-petit-cousin du
monarque, ce qui ne lui conférait aucun privilège. Furieux d’être ainsi
éconduit, Ahmad avait regagné ses terres, prenant bien soin de ne révéler à
personne sa mésaventure. Il avait été prévenu par ses serviteurs de l’arrivée
d’Abou Ali al-Sarradj et avait immédiatement compris le parti qu’il pouvait
tirer de lui. Grâce au prédicateur, il serait en mesure de lever plusieurs
milliers d’hommes car la région était en effervescence.
    Les Chrétiens du Nord se montraient
en effet particulièrement agressifs depuis la construction de la forteresse de
Zamora par Alfonse III en 280 [93] C’est depuis cette base qu’ils lançaient leurs raids audacieux, brûlant les
villages, dévastant les récoltes et emmenant en captivité femmes et enfants. Le
wali avait supplié l’émir de lui envoyer des renforts. Ubaid Allah Ibn Mohammad
Ibn Abi Ibn Abda lui avait écrit qu’aucune saifa n’était envisageable avant au
moins une année. Les caisses du Trésor étaient vides et, par centaines, les
soldats avaient déserté. Il conseillait au gouverneur de s’appuyer sur les
chefs locaux. Quand il les convoqua, ceux-ci laissèrent éclater leur colère, en
particulier l’un d’entre eux, le Berbère Zual Ibn Yaish Ibn Furenik :
    — Nous sommes accablés de taxes
et d’impôts, littéralement rançonnés par les agents du fisc. Comment l’émir
ose-t-il prétendre qu’il est trop pauvre pour défendre ses sujets ? Nous
ne bougerons pas tant qu’il se conduira en mauvais Musulman.
    C’est le moment que choisit Ahmad
Ibn Moawiya pour faire parvenir aux mécontents une lettre où il dévoilait ses
intentions.
     
    Ô vous, mes bien-aimés, qui
croyez en Allah le Tout-Puissant et le Miséricordieux !
    J’ai été informé de vos malheurs
et mon cœur s’est empli de tristesse et d’amertume, tant est grande votre
affliction ! Les Nazaréens ont oublié qu’ils sont des chiens qui doivent
rester attachés. Ils ont osé porter la désolation dans vos villes et vos
villages. Vous avez
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