Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
À l'ombre des conspirateurs

À l'ombre des conspirateurs

Titel: À l'ombre des conspirateurs
Autoren: Lindsey Davis
Vom Netzwerk:
reconstituer les événements, et d’identifier les personnes mêlées à ce lugubre épisode. C’était annonciateur d’ennuis pour tous ceux du palais qui y avaient contribué.
    Tandis que je continuais de l’observer discrètement, il parut se lasser de jouer les espions et rebroussa chemin en direction de la route d’Ostie. Impatient d’en apprendre davantage sur cet individu, je fis au revoir de la main à Lenia, adressai mon sourire le plus charmeur à Secunda pour la garder sous pression, et pris discrètement l’homme vert en filature.
    Quand je passai devant chez lui, Cassius, le boulanger, me jeta un regard pensif et me tendit un petit pain on ne peut plus rassis.

4
    Je faillis le perdre en arrivant dans la rue principale : ma mère était en train d’inspecter les oignons d’un éventaire. À en juger par sa figure, les oignons correspondaient aussi peu à ses desiderata que la plupart de mes bonnes amies. Elle s’était convaincue toute seule que mes nouvelles fonctions au palais consistaient en un simple travail de bureau, et me rapportaient beaucoup d’argent. J’éprouvais quelques scrupules à lui avouer que mes occupations étaient restées les mêmes : poursuivre des scélérats dans le dédale des rues de Rome, de préférence au moment où, mourant de faim, j’aurais aimé déjeuner.
    Je dus louvoyer habilement pour l’éviter, sans que l’homme me file sous le nez. Heureusement, sa cape d’un vert agressif l’empêchait de se fondre dans la foule.
    Je le suivis jusqu’au fleuve qu’il traversa en empruntant le pont Probus, celui qui permet de quitter la civilisation en quelques enjambées pour gagner les bouges du quartier de Transtiberina : l’endroit où se rassemblent tous les vagabonds, à la nuit tombée, quand on les oblige à déguerpir du Forum. La quatorzième Région faisait déjà partie de Rome à l’époque de mes grands-parents, mais donnait toujours l’impression d’un territoire étranger. On pouvait s’y retrouver poignardé dans le dos à tout moment.
    Nous avancions le long de ruelles sombres, et passions sous des balcons en équilibre instable. Des chiens maigres cherchaient leur pitance dans les caniveaux. Parfois, des enfants aux oreilles décollées hurlaient après eux, et ils détalaient en courant. J’avoue que l’endroit me terrorisait.
    La cape verte marchait d’un pas régulier. On eût dit un brave citoyen rentrant déjeuner chez lui. D’une taille ordinaire, les épaules étroites, et jeune, à en juger d’après sa démarche. Je n’avais toujours pas aperçu son visage : il gardait son capuchon soigneusement relevé, malgré la chaleur. Rien ne pouvait m’enlever de l’idée qu’il se montrait trop timide pour être honnête.
    Je prenais grand soin de laisser des porteurs d’eau et des marchands de petits pâtés entre nous. Pure déformation professionnelle, car il ne prenait aucune des précautions de mise dans un tel voisinage, et pas une seule fois ne regarda en arrière.
    Au-dessus de nos têtes, étalées sur des cordes, des couvertures peu épaisses prenaient l’air. Accrochés à d’autres cordes, on trouvait des paniers, des objets en cuivre, des vêtements bon marché, des tapis. Aux yeux des vendeurs africains, la présence en ces lieux de la cape verte paraissait tout à fait normale. Rien de tel pour moi : en passant, je déclenchai un concert d’exclamations gutturales. Pour me rassurer, j’essayai de me convaincre qu’ils me trouvaient tout simplement joli garçon. Une odeur de pain frais et de gâteaux flottait jusqu’à mes narines. Derrière des volets coffrés, des femmes visiblement fatiguées piaillaient leur exaspération à l’adresse des hommes oisifs, d’une voix qui écorchait les oreilles.
    Je pressai le pas pour regagner le terrain perdu sur l’homme au capuchon. Nous avions atteint un endroit où se pratiquaient divers commerces : petits poignards en cuivre avec une malédiction gravée sur la lame ; drogues distillées à partir de fleurs orientales, dont on ne pouvait plus se passer ; garçons et filles prisonniers du vice depuis si longtemps qu’une maladie les rongeait de l’intérieur. Là, on pouvait acheter la promesse qu’un cœur allait répondre au sien, ou attirer une mort ignominieuse sur n’importe qui. À vrai dire, la mort pouvait vous tomber dessus sans avoir besoin de prier ou de payer.
    Je le perdis au sud de la via Aurelia, dans une rue dont le silence ne
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher