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À l'ombre des conspirateurs

À l'ombre des conspirateurs

Titel: À l'ombre des conspirateurs
Autoren: Lindsey Davis
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les avaient rangées ici en attendant qu’elles soient collectées par un chariot impérial. Ce plomb revêtait tout de même une certaine valeur… En soupirant, je remis les peaux en place pour les dissimuler, comme il était du devoir d’un honnête serviteur de l’État de le faire.
    Je laissai les portes ouvertes en retournant me pencher seul, une dernière fois, sur la bouche d’égout. De tous les cadavres puants de félons qui jonchaient les artères de Rome, celui-ci était bien le dernier que j’aurais traité avec un tel manque de respect. Tous les traîtres possèdent une famille, et je connaissais la sienne ! La fille de son plus proche parent de sexe masculin – qui aurait dû conduire la procession funèbre – comptait beaucoup à mes yeux. Une fois de plus, les circonstances m’entraînaient dans une situation éprouvante et délicate, « à la Falco » : pour témoigner de mes mérites auprès d’une famille très importante que je cherchais à impressionner, je n’avais trouvé rien de mieux à faire que de balancer sans cérémonie un de leurs parents morts dans un égout…
    Tout en maugréant, je soulevai le couvercle et jetai une poignée de poussière dans l’orifice, avant de murmurer une prière pour les morts : « Ô dieux ! accueillez cette âme…» Puis je lançai une pièce pour payer le batelier Charon. Cela accompli, j’espérais bien que Fortuna m’accorderait de ne plus jamais entendre parler de lui. Sans trop y croire : la déesse du hasard ne me sourit jamais. Elle grimace à chaque fois qu’elle regarde dans ma direction, comme si elle venait de coincer l’un de ses doigts sacrés dans une porte.
    De retour à l’entrepôt, je dispersai à coups de pied les cendres à travers la cour. J’enroulai ensuite les chaînes autour de mon épaule, prêt à refermer la grille. Pris d’une impulsion subite, je me rendis dans le bâtiment pour y jeter un dernier coup d’œil, pliant l’échine sous le poids des lourds maillons.
    L’atmosphère restait imprégnée par les miasmes fuligineux de l’écorce de cannelle. Des mouches fébriles continuaient à tourner en rond au-dessus de l’endroit où avait reposé le cadavre, comme si l’âme du mort était restée sur place. Des sacs avachis, contenant de précieuses denrées orientales, s’entassaient dans la pénombre. Ils saturaient l’air d’une senteur sèche et douce qui me semblait altérer la texture même de ma peau.
    À l’instant où je me retournais pour partir, je saisis un mouvement du coin de l’œil. Un spasme de terreur m’agita le corps tout entier. Je ne croyais pourtant pas aux fantômes. Sortant de l’ombre, une silhouette emmitouflée se précipita droit sur moi.
    Ce n’était pas un fantôme. Ramassant prestement une douve de tonneau qui traînait, il tenta de m’assommer. Il avait beau tourner le dos à la lumière, il me semblait le connaître. Impossible de lui demander ce qu’il avait à me reprocher. Aussi, tournoyant sur moi-même, je lui balançai hargneusement les chaînes dans les côtes. Emporté par mon élan, je m’écroulai sur le sol que je heurtai du coude et du genou droits.
    Avec un peu de chance, j’aurais réussi à me saisir de lui. Seulement voilà, la chance était rarement mon alliée. Tandis que je me dépêtrais des chaînes qui m’entortillaient, le scélérat en profita pour s’enfuir.

3
    Je n’étais resté que quelques instants près de la bouche d’égout, mais j’aurais dû me méfier. À Rome, il suffisait de laisser un local sans surveillance pendant trois brefs clapotis d’une horloge à eau pour qu’un cambrioleur s’y introduise furtivement.
    Je n’avais pas distingué les traits de cet individu, mais l’impression de le connaître persistait. Le capuchon vert rabattu sur son visage ressemblait à celui de l’homme dans la ruelle, lorsque j’y avais vidé l’eau sale. Le maudissant, et me maudissant moi-même, je quittai les lieux en boitillant, sans m’occuper du sang qui dégoulinait le long de ma jambe. Je me servis d’un vieux clou pour refermer la serrure de l’immense porte et, à l’aide des tenailles militaires apportées par Frontinus, replaçai les chaînes de la grille. Le citoyen responsable que j’étais ne pouvait faire moins.
    À l’arrière de l’entrepôt, le passage mesurait à peine trois pieds de large et débouchait dans une ruelle aux allures de coupe-gorge. Il y faisait presque froid, de minuscules
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