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À l'ombre des conspirateurs

À l'ombre des conspirateurs

Titel: À l'ombre des conspirateurs
Autoren: Lindsey Davis
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criard.
    La pulpeuse Tullia comprit tout de suite de qui je voulais parler, et je n’en fus pas surpris le moins du monde : tous les hommes du coin devaient s’empresser de venir grossir la clientèle de sa mère.
    — Oh ! il habite juste en face.
    Sur ces bonnes paroles, elle me rejoignit sur le seuil et me montra de la main une petite fenêtre carrée, celle du logis de l’homme au capuchon vert. Il commençait à me plaire : son petit chez-soi paraissait aussi insalubre que le mien.
    — Je me demande s’il se trouve chez lui en ce moment…
    — Je peux regarder, proposa aimablement Tullia.
    — Et comment ?
    Elle se contenta de lever les yeux pour m’indiquer l’inévitable escalier extérieur. Il conduisait à une espèce de grenier en bois, où elle habitait sans doute avec ses parents, une grande fenêtre leur fournissant l’air et la lumière. Une jeune fille pleine d’énergie comme elle, et s’intéressant à ses prochains, devait passer beaucoup de son temps libre devant cette fenêtre à observer les hommes.
    Très serviable, elle s’apprêta à grimper les marches. Je l’aurais suivie bien volontiers, mais sa mère ne l’entendrait sans doute pas de cette oreille, et s’empresserait de venir troubler nos transports.
    — Tu es trop gentille, merci. Je ne veux pas le déranger pour l’instant.
    J’ignorais toujours qui il était, et ce qu’il voulait de moi. Puisque personne ne me payait pour le faire, pourquoi serais-je allé l’empêcher de déjeuner tranquillement ?
    — Tu sais quelque chose sur lui ?
    Une certaine méfiance troubla ses grands yeux, et s’éteignit aussi rapidement qu’elle était apparue. Il faut dire que je possédais l’art et la manière… et que je frisais naturellement. Sans compter le pourboire décent dans la soucoupe.
    — Il s’appelle Barnabas. Ça fait environ une semaine qu’il est venu s’installer ici. Il a payé trois mois de loyer d’avance, et sans discuter ! s’émerveilla-t-elle. Je lui ai dit qu’il était stupide, mais il s’est contenté de rire. Il m’a assurée qu’un jour, il serait riche.
    — Je me demande bien pourquoi ! mentis-je. (Les hommes font toujours miroiter leur prochaine fortune aux femmes, pour les mêmes vieilles raisons.) Et quelles sont donc les occupations de ce futur millionnaire, Tullia ?
    — Il se prétend marchand de blé, mais…
    — Mais quoi ?
    — En disant ça, il a encore éclaté de rire.
    — Ouais, ton type m’a l’air d’un vrai bouffon.
    S’il s’agissait réellement d’un marchand de blé, rien à voir avec le Barnabas auquel je pensais, esclave affranchi d’un sénateur. Ayant passé toute sa vie en ville, ce Barnabas-là aurait bien été incapable de faire la différence entre du blé et de la sciure de bois.
    — Tu en poses des questions, tout de même, commenta Tullia avec une mine rusée. Et toi ? Tu fais quoi dans la vie ? (Pour toute réponse, je me contentai de la gratifier d’un regard plein de mystère.) Oh ! c’est secret ? Tu veux peut-être sortir par-derrière ?
    J’aime tout connaître d’un endroit où je suis susceptible de revenir… et que je peux avoir besoin de quitter discrètement. Je m’empressai de prendre Tullia au mot, la suivant à l’arrière de l’estaminet. Nous nous retrouvâmes dans la cour d’une autre maison, mais la fille donnait l’impression de s’y sentir chez elle. Sans nul doute, l’heureux propriétaire des lieux avait su percevoir tout le potentiel de la donzelle, et l’apprécier à sa juste valeur. Elle me désigna une porte paraissant rester toujours ouverte.
    — Écoute, Tullia, si jamais Barnabas passe boire un godet, dis-lui que je le cherche. (J’avais tout intérêt à le rendre nerveux : dans mon boulot, pour recevoir une couronne de laurier, il ne faut jamais faire preuve de timidité envers quelqu’un qui vous a pris en filature jusque chez vous.) S’il se présente à la maison sur le Quirinal – il saura sûrement de laquelle je veux parler – j’aurai un legs à lui remettre. À condition de prouver son identité devant témoins.
    — Il va deviner qui tu es ?
    — Décris-lui la superbe courbe classique de mon nez ! Je m’appelle Falco. Tu veux bien le faire pour moi ?
    — Seulement si tu me le demandes gentiment.
    Ce sourire avait promis ses faveurs à cent hommes avant moi. Comme les autres, je passai par où elle voulait. Je lui demandai gentiment de m’aider, en
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