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À La Grâce De Marseille

À La Grâce De Marseille

Titel: À La Grâce De Marseille
Autoren: James Welch
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pièce qui, au contraire de la salle des malades, était aussi longue que large et meublée de courts et de longs sièges mous. Quelques personnes étaient assises là. Certaines lisaient, d’autres parlaient et quelques-unes se contentaient de fixer les murs devant elles. Sur la droite, Charging Elk aperçut une longue plate-forme en bois, à peu près à mi-hauteur d’homme. Derrière, il distingua deux têtes penchées qui semblaient examiner quelque chose. Aucune des femmes n’avait d’ailes blanches, mais elles paraissaient occuper un rang plus élevé que les aides-soignantes.
    Nul n’avait dit à Charging Elk qu’il était prisonnier ici, mais il se doutait bien que si les femmes le surprenaient, elles appelleraient les aides, et que s’il se débattait, on l’attacherait de nouveau. Il fallait donc faire preuve de ruse et guetter le moment opportun. Ces gens qui ne le connaissaient pas, qui lui avaient donné à manger, à boire du jus d’orange et, dernièrement, du café, deviendraient ses ennemis s’ils savaient qu’il cherchait à s’échapper.
    Charging Elk parcourut de nouveau la pièce du regard et, au-delà des larges fenêtres, il vit des arbres, une rue et un bâtiment en face. Il y avait des voitures attelées et des hommes qui tiraient des chariots équipés de grandes roues. Il vit des femmes habillées de ces étranges robes qui leur faisaient de gros derrières. Et puis, voyant passer un omnibus avec ses passagers sur l’impériale, il se rappela que, en compagnie d’autres Indiens, il était déjà monté dans une diligence de cette espèce, les rares fois où les interprètes leur avaient fait visiter les villes, d’abord Paris, ensuite celle où il se trouvait. Il se souvint qu’au début, ils avaient eu peur de s’installer au-dessus, en plein air, exposés au danger, mais qu’après s’être habitués, ils n’avaient plus voulu se mettre à l’intérieur. Featherman aimait se placer à l’avant, juste derrière le conducteur. Il aimait l’odeur des grands chevaux. Il se moquait du conducteur et de son haut chapeau, et agitait la main à l’intention des femmes aux gros derrières et aux plumes sur la tête. Il amusait ses compagnons qui, parfois, à son exemple, faisaient de grands signes ou poussaient des cris à la vue d’une jolie femme ou d’un chariot rempli de viande. Ils n’avaient jamais assez de viande. Quoi qu’il en soit, les jeunes Indiens aimaient voir leur image telle qu’elle se reflétait dans les yeux étonnés des Français.
    Charging Elk reporta son attention sur la pièce et repéra sur-le-champ ce qu’il cherchait. Au-delà de la plate-forme de bois, tout au fond, il y avait deux grandes portes de verre qui ouvraient sur le chemin pavé. Deux femmes apparurent, qui aidaient un vieil homme à franchir le seuil. Il avait une barbe blanche et une petite coiffe noire sur la tête. L’une des femmes lui tenait un morceau d’étoffe devant la bouche.
    Au milieu de la nuit, deux aides entrèrent dans la salle plongée dans le noir, poussant un lit à roues. Ils passèrent sans bruit devant Charging Elk, puis s’arrêtèrent un peu plus loin pour installer la plate-forme entre deux lits. Ils échangèrent quelques murmures, puis on entendit un grincement accompagné d’un choc sourd. Après quoi, les deux hommes se dirigèrent vers la pièce à la lumière jaune.
    Charging Elk distingua une forme sous l’étoffe blanche. L’un des aides, le gros, respirait fort et marmonnait dans la langue des Français. Le deuxième, grand et mince, était penché au-dessus du lit à roues qu’il manœuvrait lentement, silencieusement, indifférent aux récriminations de l’autre.
    Pendant qu’il regardait l’étrange cortège s’avancer vers la lumière jaune, Charging Elk sentit tout son corps frissonner, comme si, de retour dans son pays, il s’extirpait à nouveau de la rivière gelée. Au cours des deux derniers sommeils, il avait une fois de plus caressé l’espoir qu’un membre de la troupe viendrait le chercher, ou que les deux hommes, l’Américain et le Français, l’emmèneraient de l’autre côté de la grande eau. Mais là, à la vue du cadavre, pénétré d’effroi, il se dit qu’il allait sûrement retomber malade, que cette maison à guérir était en réalité une maison à mourir, et que la seule façon de la quitter, c’était sur une plate-forme roulante, recouvert d’un drap blanc.
    Il pensa au pauvre Featherman. Mourir
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