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Vers l'orient

Vers l'orient

Titel: Vers l'orient
Autoren: Gary Jennings
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demande le Credo ainsi que les
Dix Commandements aussi facilement que le Notre Père. Le maître émit un
nouveau grognement, mais n’ajouta aucune annotation dans son gros livre. Ma
mère commença alors à lui poser des questions de son cru : sur l’histoire
de l’école, sur la façon dont se déroulaient les examens, dont on récompensait
la réussite, dont on punissait les fautes, et...
    Toutes les mères qui, pour la première fois,
conduisent leurs fils à l’école le font, je suppose, avec une fierté considérable.
Mais je suis sûr qu’au fond d’elles, elles ressentent à dose au moins égale une
circonspection peut-être teintée d’une pointe de tristesse, sentant bien
qu’elles les abandonnent là au seuil d’un royaume mystérieux auquel elles
n’auront jamais accès. Aucune fille, ou presque, à moins qu’elle ne soit
destinée à entrer dans les ordres, ne reçoit jamais le moindre rudiment
d’enseignement primaire. Mais son fils, dès qu’il a appris à écrire ne
serait-ce que son propre nom, franchit une étape qu’elle ne pourra jamais plus
rattraper.
    Frère Evariste expliqua patiemment à ma mère qu’on
allait m’apprendre à maîtriser correctement ma propre langue ainsi que le
français commercial, mais aussi bien sûr à lire, à écrire et à compter, que je
serais initié aux bases du latin d’après le fameux traité de grammaire de
Donadello, que je découvrirais les rudiments de l’histoire et de la
cosmographie dans le Roman d’Alexandre de Callisthène, et que
j’accéderais à la religion en découvrant les histoires de la Bible. Mais ma
mère persista à l’assommer de tant d’autres questions plus anxieuses les unes
que les autres que, d’une voix mêlée de compassion et d’exaspération, il finit
par lui dire :
    — Très respectable dame, votre garçon va juste se
retrouver inscrit dans une école. Il n’entre pas dans les ordres ! Nous
allons certes le garder emmuré pendant toute la durée du jour, mais, soyez
tranquille, vous pourrez toujours disposer de lui à loisir le reste du temps.
    Elle m’eut effectivement pour le reste de sa vie, mais
celui-ci ne fut pas long. Après elle, la fameuse menace « les Mongols vont
t’emporter si... » ne me fut plus serinée que par frère Evariste à l’école
et par la vieille Julia à la maison. Celle-ci était pour le coup une véritable
Slave. Née dans un coin perdu de la Bohême, il était clair qu’elle était
d’extraction paysanne, à sa façon de se dandiner perpétuellement telle une
laveuse de linge, un seau plein au bout de chaque bras. Elle avait été, dès
avant ma naissance, la domestique personnelle de ma mère. Après sa mort, Julia
prit sa place et assura à la fois mon éducation et le contrôle de mon
instruction, prenant pour l’occasion le titre honorifique et affectueux de
tante. Pour faire de moi un jeune homme bien élevé et responsable, on ne peut
pas dire que Julia ait jamais fait preuve d’une bien grande sévérité (si l’on
excepte, bien sûr, ses fréquentes invocations de la Horde), mais elle ne
remporta pas non plus, je le confesse, un succès notable dans la tâche qu’elle
s’était fixée.
    La raison tient en partie à l’absence de l’oncle
Marco, mon homonyme, qui avait finalement renoncé à rentrer à Venise après la
disparition de ses deux frères. Installé depuis trop longtemps à
Constantinople, il y avait pris ses habitudes, bien que l’Empire latin ait fini
à cette époque par retomber aux mains des Byzantins. Comme mon autre oncle et
mon père étaient partis en confiant les affaires familiales à des experts et
des agents dignes de confiance, et comme l’entretien du palais était assuré par
des domestiques tout aussi fiables, tonton Marco n’y changea rien. On ne lui
soumettait par courrier maritime que les questions les plus graves et les plus
urgentes, afin qu’il envisageât ce qu’il convenait de faire et prît les
décisions nécessaires. Gouvernées de cette façon, la Compagnie Polo, comme la
maison du même nom, continuèrent de fonctionner aussi bien qu’elles l’avaient
toujours fait.
    La seule propriété Polo qui, de fait, ne fonctionna
pas, ce fut moi. Étant le dernier et unique rejeton mâle de la lignée (en tout
cas le seul à Venise), on se devait de m’élever avec tendresse, je le savais.
Bien que je ne sois point en âge de donner mon avis sur la tenue des affaires
et de la maison (fort heureusement), je
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