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Vers l'orient

Vers l'orient

Titel: Vers l'orient
Autoren: Gary Jennings
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n’étais redevable de mes actions devant
aucun adulte. À la maison, j’exigeais ce qui me convenait et je l’obtenais. Ni
tante Julia, ni le majordome, le vieil Attilio, ni aucun des domestiques de
rang inférieur n’auraient osé lever la main sur moi, ni même par trop élever la
voix. Je m’empressai d’oublier de répéter mon catéchisme et en oubliai bientôt
tous les répons. À l’école, je commençai à négliger singulièrement
l’apprentissage de mes leçons. Lorsque frère Evariste, fatigué d’invoquer la
menace des Mongols, se décidait à brandir la férule, je m’abstenais tout
simplement d’aller à l’école.
    On peut se demander, dans ces conditions, d’où je
tiens le maigre vernis d’éducation qui me soit resté. Je suivis quand même
suffisamment l’école pour apprendre à lire, à écrire et à compter, ainsi qu’à
étudier ce qu’il me faudrait de français commercial pour pouvoir prendre la
suite des affaires familiales, ayant compris que j’aurais besoin de toutes ces
connaissances pour y parvenir. J’absorbai aussi tout ce que racontait le Roman
d’Alexandre sur l’histoire du monde et sa description géographique. Ce qui
m’avait attiré là, c’était que les grands voyages de conquête d’Alexandre
l’avaient entraîné vers l’est, et je m’imaginais que mon père et mon oncle
avaient dû suivre les mêmes pistes. Mais, ne voyant vraiment pas en quoi je
pourrais un jour avoir besoin de la moindre notion de latin, c’est au moment où
mes congénères étaient forcés de fourrer leur nez dans les ennuyeuses règles et
préceptes du Donadello que je choisissais d’aller pointer le mien ailleurs.
    Quoique mes aînés eussent passé leur temps à pousser
des hauts cris, se lamentant à mon sujet et me prédisant les pires extrémités,
je ne pense vraiment pas que mon obstination faisait pour autant de moi un
mauvais sujet. Mon plus grand défaut était la curiosité, et je sais que,
suivant nos canons occidentaux, elle constitue un péché. La tradition
insiste pour que nous nous comportions en totale conformité avec nos voisins et
nos pairs. La sainte Eglise exige pour sa part que nous soyons des croyants
gouvernés par la foi et que nous étouffions toute question ou opinion surgie de
notre raisonnement personnel. La mercantile philosophie vénitienne, quant à
elle, postule que les seules vérités vraiment palpables sont celles que désigne
la dernière ligne des rapports comptables, là où se calcule la différence entre
recettes et dépenses.
    Pourtant, quelque chose en moi se rebellait contre les
contraintes qu’acceptaient tous les autres jeunes gens de mon âge et de ma
classe sociale. Je voulais vivre une vie qui dépasserait les règles, les lignes
des livres comptables comme celles du missel. J’étais par nature peu disposé à
me laisser administrer cette sorte de sagesse imposée et plutôt méfiant à
l’égard de ces parcelles d’information et d’exhortation si nettement
sélectionnées, accommodées et servies, presque tels des plats, prêtes à être
consommées et assimilées. Je préférais de loin organiser ma propre chasse au
savoir, même si, et cela m’arriverait souvent, je devais le trouver un peu cru,
désagréable au goût et d’odeur nauséabonde. Mes précepteurs et ceux qui avaient
ma garde m’accusèrent donc de paresse, de manquement aux devoirs requis par le
rude travail d’acquisition d’une éducation véritable. Jamais ils ne comprirent
que j’avais en fait choisi une voie bien plus difficile, que j’étais fermement
décidé à suivre où qu’elle puisse mener. C’est ce que je n’ai cessé de faire,
de cette époque de ma petite enfance jusqu’aux années de ma maturité.
    Ces journées où je fuyais l’école sans pouvoir rentrer
à la maison, il fallait bien que j’aille les perdre quelque part. C’est
pourquoi, quelquefois, je m’en allais flâner près des bureaux de la Compagnie
Polo, située alors, comme elle l’est encore aujourd’hui, sur la Riva Ca’di Dio,
une esplanade qui donnait directement sur la lagune. Sur sa façade aquatique,
elle était bordée de débarcadères en bois entre lesquels, bout à bout et flanc
contre flanc, étaient amarrés barques et bateaux de différentes tailles :
embarcations à faible tirant d’eau, gondoles de maisons privées, modestes bateaux
de pêche ou salons flottants des nobles vénitiens, les burchielli. Là se
côtoyaient galères de haute
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