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Vers l'orient

Vers l'orient

Titel: Vers l'orient
Autoren: Gary Jennings
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j’avais bien quarante ans lorsque je suis revenu de ce voyage. J’espère
en être rentré avec plus de sagesse et de discernement qu’au départ, alors que
je n’étais qu’un simple adolescent aux yeux ouverts sur le monde – ignorant,
inexpérimenté, un peu fou, aussi, sans doute. Comme tout voyageur, j’avais à
découvrir tous ces pays et ce qu’ils contenaient, non pas avec l’avantageuse
sagesse rétrospective dont je disposerais quelque vingt-cinq ans plus tard,
mais dans l’ordre où ils se présenteraient. S’il était certes très gentil et
flatteur de ta part, mon cher Luigi, de toujours me présenter au cours de ce
premier ouvrage comme une sorte d’Argus omniscient, ta nouvelle œuvre gagnerait
à mettre en scène un narrateur un peu plus authentique, plus naturel.
    Je suggérerais par conséquent, Luigi, si tu tiens à ce
que ton monsieur Beauduin soit vraiment calqué de près sur le Marco Polo qu’il
est censé représenter, que tu commences à peindre sa carrière en lui attribuant
une folle jeunesse, vécue sous le signe de l’inconduite et dans le plus
intrépide abandon. C’est là une chose que je raconte pour la première fois. Car
si j’ai quitté Venise, ce n’est pas simplement parce que j’étais avide d’autres
horizons. Je l’ai fait parce que j’y étais obligé – ou du moins parce que
Venise avait décrété que je devais le faire.
    Évidemment, Luigi, je ne sais jusqu’à quel point tu
souhaites que l’histoire de ton Beauduin soit parallèle à la mienne. Mais tu
m’as recommandé : « dis tout », aussi vais-je commencer avant
même le commencement.

 
     
     
     
VENISE

 
1
    Bien que la famille Polo soit, et elle en est fière,
vénitienne depuis trois siècles maintenant, elle n’a pas ses racines sur cette
péninsule italienne, mais de l’autre côté de l’Adriatique. Oui, nous sommes bel
et bien originaires de Dalmatie, et notre nom de famille a dû être quelque
chose comme Pavlo. Le premier de mes ancêtres qui ait vogué vers Venise et s’y
soit installé le fît peu après l’an mille. Lui et ses descendants durent avoir
dans la ville une ascension sociale rapide puisque, dès 1094, on retrouve un
Domenico Polo membre du Grand Conseil de la République, et il en sera de même
au siècle suivant, avec un Piero Polo.
    Le plus ancien ancêtre dont j’aie conservé ne
serait-ce qu’un vague souvenir était mon grand-père Andréa. À cette époque,
tous les membres de la famille Polo étaient désignés par les lettres de
noblesse NH (ce qui signifie à Venise nobilis homo, c’est-à-dire
gentilhomme), on les appelait messire, et nous avions acquis des
armoiries : trois oiseaux sable à becs de gueules sur champ d’argent. Ce
qui était en fait un véritable jeu de mots visuel, puisque notre oiseau
emblématique est le fier et industrieux choucas, que l’on désigne dans la
langue vénitienne sous le nom de pola.
    Papé Andréa eut trois fils : mon oncle Marco,
dont j’ai hérité le prénom, mon père Nicolô et mon oncle Matteo. J’ignore ce
qu’ils firent durant leur prime jeunesse, mais quand ils atteignirent l’âge
adulte, l’aîné des trois, Marco, devint, avec l’Empire latin [2] , l’agent
commercial de la famille Polo à Constantinople, tandis que ses deux frères,
restés à Venise, dirigeaient les bureaux de l’entreprise et s’occupaient
d’entretenir le palais familial. Si la fibre du voyage attendit chez Nicolo et
Matteo la mort de leur père pour se manifester, quand elle s’empara d’eux ils
allèrent plus loin qu’aucun Polo ne l’avait jamais fait.
    Lorsqu’ils quittèrent Venise, en l’an 1259, j’étais
âgé de cinq ans. Mon père avait dit à ma mère qu’ils n’iraient pas plus loin
que Constantinople, où ils comptaient aller rendre visite à leur frère aîné,
absent depuis longtemps. Selon le rapport que ce dernier fit plus tard à ma
mère, après être restés avec lui un moment, ils décidèrent de pousser plus
avant en direction de l’est. Elle n’eut plus, à partir de ce moment, la moindre
nouvelle d’eux et, lorsque douze mois se furent écoulés, elle se résigna à
envisager qu’ils eussent trouvé la mort. Il ne s’agissait là nullement des
égarements d’une femme abandonnée aux douleurs de l’affliction ; c’était
simplement, en l’occurrence, l’hypothèse la plus probable. C’est en effet
précisément cette année-là, 1259, que les Mongols, après avoir
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