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Une tombe en Toscane

Une tombe en Toscane

Titel: Une tombe en Toscane
Autoren: Maurice Denuzière
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n'a pas de secrétaire, vous serez très bien chez lui.
     
    Comme elle allait sortir en remerciant, il la rappela.
     
    - Vous ferez une note pour tous les ingénieurs, chefs de service. Le rapport prévu pour ce matin aura lieu à 17 heures. M. Vérimont le présidera comme d'habitude, prévenez-le.
     
    Puis, définitivement fondu dans son personnage, il ajouta :
     
    – Je déjeune chez moi, prévenez Emile que je descends.
     

2.
     
    Devenu le patron, Jean-Louis ne voulut rien changer au rythme que son père avait imposé tant à l'usine qu'à la villa des Cèdres. Le personnel de l'entreprise n'avait constaté aucun changement. Ceux qui escomptaient des comparaisons possibles se trouvèrent déçus.
     
    À la villa, les choses avaient été semblables. Sa mère et sa sœur admettaient cette succession du pouvoir sans penser un seul instant à profiter de la mort de Louis Malterre pour solliciter des modifications. Du vivant de son père, les domestiques l'appelaient monsieur Jean-Louis, Monsieur étant réservé au maître. Tout naturellement, du jour au lendemain, ils avaient cessé de dire le prénom. Seule Mathilde, la cuisinière, continuait à l'appeler Jean-Louis, parce qu'elle était depuis vingt-cinq ans dans la maison et qu'il avait eu à répondre, devant elle, des premiers rapts de pots de confiture.
     
    Agnès et sa mère continuaient à vivre nettement séparées de lui. Le premier étage de la villa leur avait été de tout temps réservé. Jean-Louis et son père habitaient le second. Maintenant le jeune homme s'y trouvait seul. Comme son père, après le dîner il s'attardait un moment au salon du rez-de-chaussée pour boire une tasse de café en lisant les journaux. C'était le seul moment, en dehors des repas, où la famille se trouvait réunie. Chez les Malterre, il y avait les hommes et les femmes. Chaque groupe vivait sur un rythme différent.
     
    C'est au café qu'on réglait les questions domestiques, qu'on parlait des visites à faire ou des gens à inviter. Jamais on ne parlait de l'usine. À peine si Camille et sa fille savaient ce qu'on y fabriquait. Comme autrefois son père, Jean-Louis signait les chèques pour les dépenses de la maison et approvisionnait les comptes de sa mère et de sa sœur.
     
    Au lendemain du deuil, il avait pris possession du bureau du maître au rez-de-chaussée, mais il avait conservé sa chambre. Il avait interdit qu'on pénétrât dans celle de Louis Malterre. La femme de chambre avait seulement refait le lit sur lequel avait reposé le mort. Puis le jeune homme avait emporté la clé, remettant à plus tard la visite qu'il devrait y faire.
     
    Cette maison avait été traversée par la mort presque discrètement. Elle avait toujours été silencieuse, la vie qu'on y menait s'accommodait du deuil sans qu'on eût besoin d'y rien changer. Agnès et sa mère sortaient rarement l'après-midi pour respecter le conformisme provincial qui veut que les femmes en noir se montrent peu pendant les six mois qui succèdent à la perte d'un père et d'un mari.
     
    Elles n'avaient pas renouvelé leur abonnement aux spectacles des Célestins, ni à ceux de l'Opéra de Lyon mais Camille avait repris « son jour » deux semaines après la mort de son mari.
     
    Quand elle rouvrit son salon pour recevoir les condoléances de ses amies, celles-ci lui découvrirent des robes nouvelles. La couturière avait travaillé vite. Mme Malterre était équipée pour le deuil comme pour l'hiver à Saint-Moritz.
     
    Blonde et mince, elle se trouvait à quarante-huit ans une jolie veuve. Son maquillage avait toujours été discret, elle n'avait pas eu à l'atténuer. Son air éternellement las d'hypotendue pouvait passer pour une langueur qui seyait à son état. Elle portait moins de bijoux. C'était en somme une atmosphère de deuil irréprochable. Un deuil distingué, sans larmes, sans attendrissement, dans les règles.
     
    En entrant dans cette maison le visiteur pouvait penser : « Quel courage... quelle grandeur... mais combien elle doit pleurer quand elle est toute seule ! »
     
    Il n'en était rien. Camille n'avait pas pleuré une seule fois depuis l'enterrement de son mari. Elle écrivait beaucoup l'après-midi, sur du papier à cadre noir, des dizaines de lettres comme elle l'avait toujours fait, à des amies qu'elle avait à l'étranger. Sa correspondance était aussi irréprochable que sa tenue. Elle y commentait les saisons, la mode, les livres lus, les
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