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Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz

Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz

Titel: Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz
Autoren: Filip Muller
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l’appel marquant le début du repos dominical, suivant la coutume en usage à Auschwitz. Une voix gutturale et forte retentissait dans la cour. C’était le chef de bloc Vacek qui hurlait ses ordres aux détenus du haut de l’escalier conduisant au bâtiment du bloc, d’où il pouvait surveiller la cour : « Garde à vous ! Les casquettes sur la tête ! Enlevez les casquettes ! Repos ! »
    Dans ce microcosme du mal absolu, c’était un véritable tyran. Le chevron vert de sa tenue le signalait comme un ancien criminel de droit commun. Inlassablement, il répétait les ordres stéréotypés dont il suivait l’exécution avec ses yeux de vautour. Au commandement : « Enlevez les casquettes ! », nous retirions de nos têtes rasées nos bonnets en forme de soucoupe et nous les faisions claquer contre la cuisse droite. Cette manœuvre devait être répétée sans répit jusqu’à ce que l’on n’entendît plus que le claquement d’un coup de fouet. C’est tout ce que voulait Vacek. À première vue, cet exercice rappelait cette forme de dressage stupide que l’on impose aux jeunes recrues. Mais pour Vacek, cette méthode permettait d’obtenir un résultat tout autre : assommer mortellement les détenus.
    Sa première victime fut Nandor Delikat, un père de quatre enfants, paralysé de la main droite. Dans ma ville natale, Sered an der Waag, il survivait grâce à nos aumônes. Comment aurait-il pu exécuter les ordres : Mützen auf ! Mützen ab ! (les casquettes sur la tête ! Enlevez les casquettes !) ? Vacek bondit dans la cour, se jeta sur l’invalide et le traîna jusqu’au bâtiment voisin du bloc ; il lui ordonna de rester debout, le visage tourné vers le mur. Le second détenu auquel il s’en prit fut le tailleur Mendel Weimann ; cet homme était sourd, et au commandement : « Garde à vous ! », il avait tardé une fraction de seconde à faire claquer les talons de ses galoches.
    Vacek pratiquait d’autres genres d’exercices. Lorsque le « garde-à-vous » s’exécutait vivement d’un seul claquement de talons par les détenus, on s’attendait à un peu de répit. Mais Vacek n’allait pas se contenter des deux victimes qu’il avait condamnées à mort ; il lui en fallait d’autres. Les prétextes ne lui manquaient pas. Un nez trop allongé, des lunettes aux verres trop épais, un bonnet de travers ou quelque futilité de ce genre suffisaient à le déchaîner ; les malheureux étaient alors brutalement appréhendés et traînés jusqu’au mur où ils devaient s’attendre à être assommés.
    Il ne fallait espérer ici aucune pitié, aucun égard envers les paralytiques, les sourds, les aveugles, les blessés. Les dix commandements de l’Église, les principes élémentaires d’humanité n’avaient plus ici aucun sens. Auschwitz était un camp de concentration avec ses lois propres et ses usages macabres, où l’on pouvait échanger des dentiers en or contre une assiettée de soupe de raves. À Auschwitz, un orchestre jouait des marches entraînantes, non seulement le matin, à l’heure où les détenus se précipitaient au travail, mais aussi le soir, lorsque, harassés, ils devaient traîner les corps de leurs camarades morts. Les chefs d’équipe recevaient des primes et des avantages en nature lorsqu’ils décimaient leur détachement. Chacun s’y employait à sa manière. Il y avait le bloc 10 dans lequel on stérilisait les femmes ; dans un autre bloc, on castrait les hommes. À Auschwitz on entendait parler toutes les langues d’Europe. Non seulement les hommes mouraient de faim, de maladie, des suites d’épidémies, mais aussi on les abattait, on les détruisait scientifiquement et méthodiquement en leur injectant du phénol dans le cœur, ou en les asphyxiant dans les chambres à gaz.
    Ce lieu de malédiction de l’Europe de l’Est était sous la domination des S.S. qui se présentaient comme l’élite d’un peuple qui avait donné au monde des hommes de génie tels que Goethe, Schiller, Mendelssohn, mais aussi et surtout Hitler. La ville polonaise d’Oswiecim – l’Auschwitz de l’occupation allemande – était devenue une geôle infernale, et tout homme qui y échouait s’y sentait définitivement abandonné de Dieu et de l’humanité.
    Ce jour-là, trente détenus, « élus », se tenaient debout devant le mur du bloc. Vacek et ses acolytes du service des chambrées leur donnèrent l’ordre d’avancer par rangs de
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