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Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz

Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz

Titel: Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz
Autoren: Filip Muller
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Schmidt, une droit commun allemande et leur Kapo femelle, surnommée « Die Koenigin des Belles » (« la reine de la hache »).
    Entre l’instant où un convoi de juifs promis à la mort par le gaz passait le porche voûté du bâtiment qui se dresse au seuil de Birkenau – sinistre oiseau de mort dont les ailes se déploient autour d’une bouche d’ombre – et celui où les énormes cheminées carrées des crématoires crachaient leurs premières volutes, deux heures environ s’écoulaient. Il était trop tard, absolument : pour les malheureux qui parvenaient ici au terme du voyage s’ouvrait la phase finale d’un procès de destruction qui avait débuté bien avant, bien ailleurs (mais quand donc, où donc tout cela a-t-il commencé !). Il leur restait deux heures à vivre, un peu moins un peu plus selon leur nombre et les engorgements du trafic, deux heures dont les seuls témoins furent les tueurs et les hommes du commando spécial. Filip Müller nous révèle tout ce que masque l’abstraite mention « déporté et mort à Auschwitz ». Fils, filles, frères, sœurs, maris, épouses, pères et mères de déportés, les autres aussi, écoutez ce revenant, entendez-le qui ressuscite les vôtres, qui les saisit au moment où ils s’engouffrent dans les chambres souterraines en un interminable cortège, pour vous contraindre – et cela est bon – à mourir avec eux, pour qu’ils ne meurent pas seuls. Villes, villages, communautés entières descendent les degrés des crématoires, il les connaît par leurs noms, il se souvient de tous et sonne le dernier appel : les voici, ceux de Ciecianow et de Kielbasin, ceux de Bendzin et de Sosnowitz, ceux de Salonique, de Corfou, d’Amsterdam, ceux de Drancy et de Slovaquie, de Kluj et de Theresienstadt. Voici la femme du « transport » de Byalistock qui, rendue folle parce qu’un membre du commando spécial lui a dévoilé la vérité, court, hagarde, échevelée, de groupe en groupe pour ameuter ses compagnons en train de se dévêtir ; voici la danseuse de Varsovie, du « convoi paraguayen », qui se dénude en un lent strip-tease devant le S.S. Schilinger chargé d’accélérer au contraire toute l’opération de déshabillage, la voici qui s’avance vers lui en se déhanchant de la plus provocante façon et qui dans une séquence fulgurante plante dans son œil droit le talon aiguille d’une chaussure, s’empare de son revolver et l’abat ainsi qu’un autre garde, le S.S. Emmerich. Car Filip Müller fait justice de cette légende qui veut que les juifs soient entrés dans les chambres à gaz sans pressentiment ni violence, qui veut que leur mort ait été douce. Beaucoup ne savaient pas – car comment penser l’impensable, comment l’imaginer ? – mais tous ont pressenti le vrai et tous finalement – quand les matraques et les fouets entraient en action pour leur faire parcourir les derniers mètres – ont compris. D’autres – bien plus nombreux qu’on ne l’a dit – étaient absolument sans illusion : juifs polonais des ghettos de Haute-Silésie proches d’Auschwitz, comme ceux de Bendzin et de Sosnowitz, ou encore juifs tchèques du « camp des familles » qui, après six mois passés à Birkenau, savaient tout à fait à quoi s’en tenir. Et les S.S., sachant qu’ils savaient, renonçaient à leurs fables, celles des douches ou de la désinfection, jetaient bas le masque : sonnait alors l’heure de la violence nue. Casqués, bottés, sur pied de guerre, lourdement armés avec grenades et lance-flammes, les S.S. attendaient dans la cour des crématoires les hordes juives sans défense, un chef se juchait sur une estrade de fortune et tenait aux condamnés le moins fardé des discours, leur donnant le choix entre la mort par le gaz ou par les lance-flammes. Mais on ne leur laissait même pas le temps de délibérer et de peser l’horreur : crosses, matraques, tirs de mitrailleuses les affolaient d’emblée et c’est sur un troupeau sanglant, tuméfié, éclaté, que se refermaient après une lutte sans espoir les portes des chambres de supplice. Car Filip Müller a observé les bourreaux autant que les victimes : arrivé très tôt à Auschwitz – dès avril 1942, avec un des premiers transports de Slovaquie –, il a commencé en mai à « travailler » au crématoire I, celui du camp principal (les grands crématoires de Birkenau n’existaient pas encore) et dans la petite ferme dissimulée
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