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Tarik ou la conquête d'Allah

Tarik ou la conquête d'Allah

Titel: Tarik ou la conquête d'Allah
Autoren: Patrick Girard
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bénédiction et la paix. Après tout, l’un de ses premiers
compagnons, Bilal, était un esclave éthiopien qu’il a affranchi. Ses frères,
eux aussi, ont droit à bénéficier de l’enseignement du saint Coran. À d’autres
que moi de réaliser cette noble tâche. J’ai de plus grandes ambitions.
    — Je t’écoute, Tarik.
    Le Berbère prit son temps avant de
répondre. D’un geste de la main, il invita son interlocuteur à s’approcher du
rebord de la terrasse où ils se tenaient. Mughit s’inquiéta du silence de son
ami, perdu dans ses pensées. Il fut surpris de le voir prendre une profonde
inspiration comme si la respiration venait à lui manquer et s’empressa de lui
offrir son appui. Tarik le repoussa en riant :
    — Rassure-toi, je me porte
comme un charme. Fais comme moi, respire ce parfum étrange qui vient des côtes
de l’Ishbaniyah [8] et apprécie ses effluves enivrantes. C’est une odeur de champs de blé et
d’arbres fruitiers entretenus par la sueur de milliers de paysans. Elle me
grise à chaque fois qu’elle parvient jusqu’ici. Je pressens que cette contrée
renferme d’immenses richesses qui s’offrent à nous. Il serait stupide de ne pas
en profiter. Quand nous aurons conquis ce pays, Moussa Ibn Nosayr ne pourra
plus rien contre nous.
    Mughit eut une moue dubitative qui
n’échappa pas à Tarik. Conscient qu’il jouait là fort gros, le Berbère
entreprit de rassurer son complice :
    — Tu n’as aucune inquiétude à te
faire. Le wali ne viendra pas nous chercher là où nous serons. Je connais le
point faible de nos maîtres. Ils sont capables de chevaucher de Damas à Tingis
sans descendre de leurs destriers, mais, pour rien au monde, ils n’iront plus
loin. Les Arabes se méfient de la mer, elle leur fait peur. Ils hésitent à
s’embarquer à bord d’un navire, fût-il le plus robuste ou le mieux équipé, car
ils ne se sentent à l’aise qu’au milieu du désert. Loin de celui-ci, ils font
rarement preuve d’audace. Souviens-toi que le calife Omar a jadis interdit à
Amr, son meilleur général, de conquérir l’Ifriqiya en lui écrivant :
« Non, ce n’est pas l’Ifriqiya mais plutôt al-Mofarriqa, le
« pays perfide », qui égare et qui trompe et auquel personne ne
s’attaquera tant que je serai en vie. » Moussa Ibn Nosayr aime à faire
croire qu’il est un véritable Arabe. Il a épousé leurs mœurs et leurs préjugés.
À Tunis, où il réside depuis qu’il a stupidement réduit Carthage en cendres, il
dispose d’une flotte dont il ne se sert pas. Ses bateaux, j’ai pu le constater,
restent dans le port alors qu’autrefois, les Nazaréens sillonnaient constamment
la mer et commerçaient avec les contrées les plus lointaines. Jamais il ne lui
viendra à l’idée d’entreprendre l’expédition que je médite. Il ne peut pas la
concevoir et je veux tirer profit de son aveuglement.
    — Tu oublies qu’il a des yeux
et des oreilles ici en la personne de Tarif Ibn Malik.
    — Je vais te surprendre. C’est
à lui précisément que je veux confier le commandement de cette mission ultrasecrète.
Avec cent cavaliers et fantassins, il s’embarquera pour effectuer une
reconnaissance de l’autre côté du détroit. Je veux tout savoir. Y a-t-il des
forteresses ? Sont-elles nombreuses ? Où se trouvent-elles
exactement ? De combien de soldats dispose leur roi ? A-t-il des
ennemis ? Si oui, lesquels et à quelles conditions seront-ils prêts à nous
aider ? Bien entendu, tu accompagneras Tarif Ibn Malik pour le surveiller.
Si un accident malheureux lui arrivait lors de la traversée du retour, j’en
serais certes peiné mais moins que Moussa auquel cette noyade inspirera un
dégoût prononcé des flots.
    Mughit n’entendait pas se laisser
convaincre aussi aisément. Il ne pouvait rien objecter aux arguments de Tarik,
mais refusait de le suivre aveuglément. Pour ménager l’avenir, son avenir, il
lui fallait donner l’impression qu’il s’engageait à contrecœur dans cette
affaire. Plus il se ferait prier, plus il retirerait de bénéfices de son
soutien. Cet imbécile de Tarif devenait soudain très utile. D’un ton sentencieux,
Mughit poussa son avantage :
    — C’est à juste titre que tu
mentionnes le parent du gouverneur. Comment feras-tu pour que jusqu’à notre
départ, il ne se doute de rien ?
    — Voilà des mois que je prépare
cette expédition et toi, mon plus proche conseiller, tu n’as rien deviné de
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