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Tarik ou la conquête d'Allah

Tarik ou la conquête d'Allah

Titel: Tarik ou la conquête d'Allah
Autoren: Patrick Girard
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Tarik Ibn Zyad écoutait
attentivement le rapport que lui faisait son principal conseiller, Mughit
al-Roumi. Ainsi que son nom l’attestait, l’homme était un Romain, plus
exactement un Grec issu d’une riche famille de propriétaires terriens en
Galilée. Lors de la conquête de la Palestine par les Arabes, son grand-père,
Démétrios, qui avait connu la disgrâce sous le règne d’Héraclius, s’était
empressé de se convertir à l’islam. Si le sobriquet dont on affublait sa
famille trahissait encore ses origines, cette apostasie lui avait permis de
conserver ses domaines. Ses fils et petits-fils, considérés comme de précieux
auxiliaires du calife de Damas, avaient occupé ou occupaient de hautes
fonctions civiles ou militaires en Egypte, en Syrie ou en Ifriqiya dans le cas
de Mughit.
    Nommé par Moussa Ibn Nosayr, le
gouverneur de l’Ifriqiya, pour surveiller les agissements de Tarik Ibn Zyad, il
avait fini par devenir le confident et l’ami du chef berbère. Les deux hommes
souffraient pareillement du dédain que leur manifestaient les Arabes de souche.
Ils avaient beau observer scrupuleusement les prescriptions du saint Coran, le
fait d’être descendants de néophytes constituait pour leurs maîtres arabes une
souillure indélébile que même l’eau de la source miraculeuse de ZemZem, près de
La Mecque, ne pouvait laver. Pour se venger, les deux compères avaient
soigneusement veillé à interdire l’accès de Tingis aux Arabes, prétextant que
la région n’était pas sûre. Depuis des années, ils adressaient à Kairouan des
rapports erronés, surestimant l’importance de la garnison de Septem et
décrivant cette ville comme une place forte inexpugnable. Ce mensonge leur
permettait d’avoir les mains libres pour diriger comme ils l’entendaient la
cité et se constituer, chacun, une belle fortune.
    Leur petit jeu fort habile prit
malheureusement fin avec l’arrivée inattendue de Tarif Ibn Malik, un Yéménite.
Ce parent par alliance de Moussa Ibn Nosayr ne tarda pas à découvrir la vérité
et à adresser au wali de Kairouan un rapport accablant. Le destinataire apprécia,
en fin connaisseur de l’âme humaine, les manigances de ses lieutenants. Il
comprenait le ressentiment qui en était la cause. Issu lui-même d’une famille
de néophytes et marié à la fille fort laide d’un Arabe de souche, il ne pouvait
oublier l’humiliation que lui avait infligée son beau-père, Ahmed. Écoutant un
maître d’école réciter devant des écoliers le verset du Coran :
« Nous alternons les revers et les succès parmi les hommes », le
vieil homme l’avait repris d’un ton sec : « Tu te trompes. Il faut
dire « parmi les Arabes ». » Le lettré avait rétorqué :
« Non, le texte dit « parmi les hommes », s’attirant ce
commentaire désabusé : « Malheur à nous ! Le pouvoir ne nous
appartient plus exclusivement. Les manants, les vilains, les descendants des infidèles
et les esclaves auront eux aussi leur part des bienfaits du Seigneur. » À
ses côtés, son gendre s’était contenté de serrer les dents.
    Pour indulgent qu’il fût donc envers
les motivations de ses subordonnés, Moussa Ibn Nosayr entendait bien, avec l’aide
de Tarif Ibn Malik, les mettre au pas. C’est précisément pour trouver un moyen
de conserver leur indépendance que ceux-ci ourdissaient de nouveaux complots.
Les pièces de monnaie récemment mises en circulation en faisaient partie. Tarik
eut un sourire de satisfaction quand Mughit lui rapporta l’incident du
marché :
    — Es-tu sûr que l’évêque Paulus
a pris l’argent que j’avais donné au garde ?
    — Oui et, par l’un de ses
diacres qui ne dédaigne pas les gratifications, je sais qu’il a chargé Aurelius
d’en prévenir le gouverneur de Septem.
    — Parfait. Connaissant Julien,
je suis prêt à parier que cet idiot pense d’ores et déjà que je prépare une
expédition en direction de la Nigritie.
    — Tu m’avais demandé d’étudier
ce projet. Il est périlleux, mais, avec l’aide d’Allah le Tout-Puissant et le
Tout-Miséricordieux, nous pouvons le mener à bien dès que tu m’en donneras
l’ordre.
    — J’ai été sensible à tes
arguments et à ceux de Julien, confirmés par les témoignages de commerçants qui
se sont aventurés dans ces régions. Elles contiennent effectivement des mines
d’or et leurs habitants pourraient aisément être convertis à la foi du
Prophète, sur Lui la
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