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Taï-pan

Taï-pan

Titel: Taï-pan
Autoren: James Clavell
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d’abriter toutes les flottes du monde. Mais pas autre chose.
    Glessing contempla les navires au mouillage. Le 22 canons de Struan, le China Cloud . Le 22 canons White Witch , orgueil de la flotte de Brock. Et le brick de 20 canons des Américains Cooper et Tillman, le Princess of Alabama . Des merveilles, tous ceux-là. De solides adversaires, ils pourraient être. Je sais que je pourrais couler l’Américain. Brock ? Difficile mais je vaux mieux que Brock. Et Struan ?
    Glessing imagina un combat naval contre Struan. Et il comprit qu’il avait peur de Struan. Sa peur le mit en colère. Il en avait assez de prétendre comme tout le monde que Struan, Brock, Cooper et tous les « marchands chinois » n’étaient pas des pirates.
    Bon Dieu, se jura-t-il, dès que l’ordre sera officiel, je commanderai la flottille qui les boutera tous de ces eaux !
    Aristote Quance était tristement assis devant sa toile inachevée. C’était un petit homme aux cheveux gris noir. Ses vêtements, dont il prenait le plus grand soin, étaient à la dernière mode : pantalon étroit gris perle, chaussettes de soie blanche, souliers à nœud de satin noir, gilet de satin gris perle et redingote de lainage noir, col montant et large cravate, avec une épingle en perle. Mi-Anglais, mi-Irlandais, il était, à cinquante-huit ans, le plus ancien Européen d’Orient.
    Il ôta ses lunettes cerclées d’or et se mit à les essuyer avec un mouchoir immaculé bordé de dentelle de France. C’est bien affligeant de voir ça, se disait-il. Au diable Dirk Struan. Sans lui, il n’existerait pas de fichu Hong Kong.
    Il savait qu’il était témoin de la fin d’une époque. Hong Kong va détruire Macao, pensait-il. Elle volera tout le commerce. Les taï-pans anglais et américains vont transporter leurs sièges ici. Ils vivront ici et feront construire ici. Et puis les employés portugais suivront. Et tous les Chinois qui vivent des Occidentaux et du commerce occidental. Eh bien, moi, se jura-t-il, jamais je ne viendrai vivre ici. Je viendrai y travailler de temps en temps, pour gagner de l’argent, mais Macao sera toujours mon foyer.
    Il vivait à Macao depuis plus de trente ans. Seul de tous les Européens, il considérait l’Orient comme sa patrie. Tous les autres venaient y passer quelques années, et s’en allaient. Ne restaient que ceux qui y mouraient. Et même alors, s’ils en avaient les moyens, ils prenaient des dispositions testamentaires pour faire rapatrier leur corps.
    Je serai enterré à Macao, grâce à Dieu, se dit-il. J’y ai passé de si bons moments ! Nous tous. Mais tout ça, c’est fini. Maudit soit l’empereur de Chine ! Il faut qu’il soit fou, pour avoir démoli une structure si habilement créée il y a cent ans !
    Tout marchait si bien, songea amèrement Quance, et voilà que c’est fini. Maintenant, nous nous sommes emparés de Hong Kong. Et à présent que la puissance de l’Angleterre est engagée en Orient et que les marchands ont goûté au pouvoir, ils ne se contenteront pas de Hong Kong.
    « Ma foi, ajouta-t-il à haute voix, sans s’en apercevoir, l’empereur récoltera ce qu’il a semé.
    — Pourquoi si sombre, monsieur Quance ? »
    Le peintre remit ses lunettes. Morley Skinner levait les yeux vers lui, du bas de l’éminence.
    « Pas sombre, jeune homme. Triste. Les artistes ont le droit – non l’obligation – d’être tristes. »
    Il posa par terre la toile inachevée et la remplaça sur le chevalet par un carton vierge.
    « Je suis d’accord. D’accord, répondit Skinner en escaladant la hauteur, je voulais simplement connaître votre opinion de ce jour mémorable. Nous allons sortir une édition spéciale. Elle serait incomplète sans quelques mots de notre plus vieux citoyen.
    — C’est exact, monsieur Skinner. Vous pouvez écrire : “M. Aristote Quance, notre artiste bien connu, bon vivant et ami cher, a refusé de répondre à nos questions car il était en train de créer un nouveau chef-d’œuvre.”
    Il prit une prise de tabac et aspira profondément puis il éternua à grand bruit. Avec son mouchoir de dentelle, il épousseta les miettes de tabac sur ses revers et sur son carton.
    « Bien le bonjour, monsieur, ajouta-t-il, en se penchant sur le carton. Vous dérangez l’immortalité.
    — Je vous comprends, répondit aimablement Skinner. Je vous comprends très bien. Moi, c’est la même chose quand j’écris un article important. »
    Le
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