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Taï-pan

Taï-pan

Titel: Taï-pan
Autoren: James Clavell
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terre. Il paraissait si grand, si puissant, là debout à l’avant, plus colossal que les montagnes, et tout aussi dur. Que j’aimerais être comme lui, songea Robb.
    Robb n’avait fait qu’une fois la contrebande de l’opium, peu après son arrivée en Extrême-Orient. Leur navire avait été attaqué par des pirates chinois, et Robb avait été terrifié. Il en rougissait encore, bien que Struan lui eût assuré : « Y a pas de honte à ça, gamin. La première fois, la bataille est toujours terrible. » Mais Robb savait bien qu’il n’était pas un combattant, et qu’il n’avait pas de courage. Il servait son demi-frère en d’autres façons. En achetant les thés, les soies et l’opium. En négociant les prêts et en s’occupant de la comptabilité. En comprenant et assimilant les procédures modernes de la finance et des échanges internationaux, qui devenaient de plus en plus compliquées. En veillant sur son frère, sur la Compagnie et sur la flotte, en s’assurant de leur sécurité. En vendant les thés en Angleterre. En administrant la Compagnie. Oui, se disait Robb, mais sans Dirk tu ne serais rien.
    Struan examinait les hommes sur la plage. Le canot était encore à deux cents mètres de la terre. Mais il distinguait nettement les visages. La plupart des têtes étaient tournées vers le canot. Struan sourit secrètement.
    Eh oui, pensa-t-il. Nous sommes tous là, en ce jour du destin.
    L’officier de marine, le capitaine Glessing, attendait patiemment que commençât la cérémonie des couleurs. Il avait vingt-six ans, il était capitaine d’un navire de la ligne, fils d’un vice-amiral, et la Royal Navy coulait dans ses veines. Il faisait de plus en plus clair sur la plage, mais sur l’horizon de l’est le ciel se couvrait de nuages.
    Il va y avoir une tempête dans quelques jours, se dit Glessing et, machinalement, il vérifia le mouillage de son navire, une frégate de 22 canons. C’était pour lui une journée monumentale. Ce n’était pas souvent que de nouvelles terres étaient annexées au nom de la reine, et pour sa carrière, c’était une chance qu’il eût l’honneur de lire la proclamation. La flotte avait beaucoup de capitaines plus anciens que lui. Mais il savait qu’il avait été choisi parce qu’il avait été le premier dans ces eaux, et que son navire, le H.M.S. Mermaid , avait joué un rôle important au cours de la campagne. Ce n’était même pas une campagne, estimait-il avec dédain. À peine un incident. Cela aurait pu être réglé deux ans plus tôt si ce polichinelle de Longstaff avait eu deux liards de courage. Indiscutablement, si on m’avait permis d’emmener ma frégate jusqu’aux portes de Canton. Bon Dieu, j’avais coulé toute une foutue flotte de jonques de guerre et la voie était libre. J’aurais pu bombarder Canton, m’emparer de ce païen du diable, le vice-roi Ling, et le pendre à ma plus haute vergue.
    Glessing donna un coup de pied irrité dans le sable. Encore que je m’en moque bien, que le païen ait volé l’opium. Il a raison de vouloir mettre un terme à la contrebande. C’est l’insulte au drapeau. Des vies anglaises rançonnées par un païen du diable ! Longstaff aurait dû me donner l’ordre de poursuivre immédiatement. Mais non. Humblement, il a battu en retraite et il a évacué tout le monde à bord de la flotte marchande, et puis il m’a coupé les jambes. À moi, qui devais protéger toute la flotte marchande, nom de Dieu ! Qu’il soit maudit ! Et Struan aussi, qui le mène par le bout du nez.
    Enfin, ajouta-t-il en lui-même, tu as de la chance d’être ici, quand même. C’est la seule guerre que nous ayons en ce moment. La seule guerre en mer, tout au moins. Les autres ne sont que des incidents : une simple mainmise sur des États païens des Indes – des gens qui adorent des vaches, sacré nom, et qui brûlent les veuves et qui se prosternent devant des idoles – et puis les guerres d’Afghanistan. Une bouffée d’orgueil lui monta au visage à la pensée qu’il faisait partie de la plus puissante flotte du monde. Dieu soit loué, qui l’avait fait naître anglais !
    Soudain, il aperçut Brock qui s’approchait et il fut soulagé de le voir intercepté par un petit homme tout rond, sans cou, âgé de trente-cinq ans environ, dont l’énorme bedaine débordait de son pantalon. C’était Morley Skinner, propriétaire de l’ Oriental Times , le plus important des journaux anglais
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