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Sur le quai

Titel: Sur le quai
Autoren: Alain Pecunia
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s’en dépêtrer et, par
le chantage, elle l’avait mené devant le maire quatre ans plus
tard. En 67.
    Un an après cette merde de juillet 66.
    Il ne pensait pas que Jean Lestrade sortirait si tôt.
    Depuis ce mois d’avril 1963, il avait profité de la vie un max,
s’éloignant imperceptiblement de ses anciens camarades anars pour
ne plus les fréquenter qu’épisodiquement.
    – Jean a peut-être donné mon nom. Il faut que je sois
prudent, avait-il dit.
    Mais il manifestait sa noblesse d’âme en s’inquiétant deux fois
l’an  du « sort des camarades emprisonnés ».
    Au moment des deux événements pouvant donner lieu à des grâces
ou des remises de peine. Noël et la fête nationale espagnole le 18
juillet, date anniversaire du soulèvement franquiste de 1936.
    Mais Alexandre Caillard était tranquille. Avec ses quinze ans de
taule, c’est pas demain la veille qu’il allait sortir, Jean
Lestrade.
    Aussi, lorsqu’il apprit, fin juin 66, qu’il allait être élargi,
tout d’abord il n’en crut pas ses oreilles.
    – Vous blaguez ? dit-il au commissaire José Perez qui
l’avait contacté pour le rencontrer de toute urgence et qui venait
de lui annoncer la nouvelle de la libération de Lestrade.
    Le policier espagnol le regarda avec commisération.
    Il fallait vraiment être con pour croire qu’il pût se déplacer
pour venir blaguer avec un pauvre mouchard.
    Alexandre Caillard eut vite fait de se rendre compte que ce
n’était pas une blague.
    Depuis le 6 avril 63, il n’avait revu le policier qu’une seule
fois.
    Il ne lui avait même rien demandé. Il profitait d’un séjour à
Paris pour prendre de ses nouvelles.
    Alexandre Caillard se sentit paniquer.
    Il avait la trouille.
    – J’ai préféré vous apprendre moi-même la nouvelle. La
presse va sûrement en parler, disait le commissaire d’une voix qui
lui semblait lointaine.
    Alexandre Caillard sentit une mauvaise sueur froide lui
dégouliner dans le bas des reins. Juste au-dessus de l’élastique de
son slip. Il frissonna.
    – Vous m’écoutez ? disait le commissaire qui le
secouait par la manche.
    – Oui…, finit par balbutier Caillard.
    – Ressaisissez-vous ! lui ordonna-t-il à voix basse. Vous
allez nous faire remarquer avec cette tête-là, ajouta-t-il en
jetant un regard vers le comptoir du bistrot du Quartier latin où
ils s’étaient donné rendez-vous.
    Le commissaire José Perez éprouvait un profond mépris pour
Alexandre Caillard. Ce lâche qui avait trahi ses camarades le plus
facilement du monde, par simple trouille, quasiment au quart de
tour. Et qui faisait maintenant dans son froc.
    Il se demandait si cette rencontre n’était pas une erreur. Il se
mit à douter que Caillard fût en état de lui être utile.
    – Il sait, pour moi ? demanda Alexandre Caillard d’une
voix blanche.
    Le commissaire haussa les épaules.
    – Personne de chez nous ne le lui a dit, mais il peut s’en
douter s’il n’est pas trop bête, ou le soupçonner.
    Il ne pouvait saisir le regard de Caillard. Depuis qu’il lui
avait appris la « nouvelle », le jeune homme gardait la
tête baissée.
    Le commissaire patienta en tournant machinalement sa cuillère
dans la tasse de café qui était à présent refroidi. Il lui laissait
le temps de parvenir par lui-même à la conclusion logique.
    Ça tardait. Caillard restait sonné.
    Le policier décida de l’aider.
    – C’est une tête brûlée, dit-il négligemment en continuant
de touiller son café froid. Il va sûrement remuer beaucoup de
choses et déranger pas mal de gens.
    Il marqua une pause.
    Alexandre Caillard avait relevé la tête. Mais il ne donnait pas
l’impression d’être sorti complètement de ce qui était pour lui une
sorte de cauchemar.
    – Qu’en pensez-vous, vous qui l’avez bien connu ?
reprit le commissaire. En plus, il n’est pas exclu qu’il veuille
prendre contact avec son ex-petite amie…
    Le commissaire José Perez pouvait suivre le cheminement des
pensées de Caillard sur son visage poupin. Quasiment à livre
ouvert.
    Alexandre Caillard sortit de son mutisme.
    – C’est la merde…
    – Je ne vous le fais pas dire. Et c’est parfaitement résumé. Je
dois reconnaître que votre situation n’est pas si facile et que je
me sens une part de responsabilité à votre égard. Mais nous pouvons
peut-être nous rendre service.
    Le commissaire vit dans le regard de son vis-à-vis que sa
proposition avait éveillé de l’intérêt.
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