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Stefan Zweig

Stefan Zweig

Titel: Stefan Zweig
Autoren: Dominique Bona
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sera son dernier acte d’écrivain. Ayant inscrit, en portugais, Declaração, en tête de la feuille blanche, sans doute pour que son testament d’auteur ne soit pas frappé de l’interdit qui condamne, au Brésil, la langue qui est la sienne, il livre à ses lecteurs, présents et à venir, le fond de son cœur :
     
    « Avant de quitter la vie, de ma propre volonté et avec toute ma raison, il me faut remplir un dernier devoir : remercier sincèrement le Brésil, ce merveilleux pays, de m’avoir offert à moi et à mon travail une halte si agréable et si hospitalière. De jour en jour, j’ai appris à l’aimer davantage et nulle part ailleurs je n’aurais voulu reconstruire ma vie de fond en comble, puisque le monde de ma propre langue est perdu pour moi et que ma patrie spirituelle, l’Europe, s’est anéantie elle-même.
     
    « Mais il fallait à soixante ans des forces exceptionnelles pour tout recommencer à nouveau et les miennes sont épuisées par des années d’errance sans patrie. Aussi je juge préférable de mettre fin, à temps et la tête haute, à une vie pour laquelle le travail intellectuel a toujours représenté la joie la plus pure et la liberté individuelle le bien suprême sur cette terre. Je salue tous mes amis ! Puissent-ils voir encore les lueurs de l’aube après la longue nuit ! Moi, je suis trop impatient. Je les précède. »
     
    Il date, signe, et pose la feuille bien à plat sur le bureau. Il est prêt.
     
    Dans l’après-midi, entre midi et quatre heures, il absorbe des doses massives de Véronal avec un verre d’eau minérale, de la marque brésilienne Salutaris, et s’allonge sur son lit. Lotte, précipitamment sortie du bain, et qui a laissé ses vêtements et sous-vêtements en vrac sur le sol de la salle de bains, enfile à la hâte un peignoir fleuri et le rejoint. Elle meurt sans doute après lui. Il est sur le dos, le corps détendu et le visage serein, un plaid sur les jambes. Elle semble s’agripper à lui, recroquevillée à son côté, le peignoir en désordre, enlaçant de son bras gauche la poitrine de son mari.
     
    C’est dans cette position qu’Antonio, les croyant d’abord endormis puis inquiet de ne pas les voir apparaître ni répondre à ses appels, les découvrira le lundi après-midi, vers trois heures, en montant sur le toit et en déplaçant quelques tuiles pour essayer de les apercevoir – la porte de leur chambre étant fermée à clef. La police, aussitôt appelée, constatera la mort, effectuera une rapide enquête et demandera une autopsie, qui sera effectuée sur place, dans la chambre mortuaire. Sitôt averti, Claudio de Souza téléphone la nouvelle au bureau du président de la République et au chef de la maison militaire, le général Francesco Pinto. Avec leur accord, il veut organiser des funérailles nationales. Koogan n’a pas encore reçu la lettre où Zweig lui demande d’être enterré « de manière modeste et discrète ».
     
    Il sera enterré en grande pompe. Tout Petropolis, avec les nombreux amis et admirateurs montés de Rio, défile devant les deux cercueils, exposés dès le lendemain sur catafalque, dans l’école principale de la ville, le Grupo Escolar Pedro Segundo. Celui de Zweig reste ouvert jusqu’au moment du départ pour le cimetière. Celui de Lotte est aussitôt fermé. Une rumeur se répand selon laquelle, craignant de survivre à son mari, qui l’a précédée dans la mort, elle aurait absorbé, en plus du Véronal, le contenu d’une fiole de poison, retrouvée à côté du lit conjugal. Lorsque le cortège se met en route, mené par Getulio Vargas en personne et de nombreux ministres, la foule se joint aux officiels, aux amis, aux lecteurs venus rendre un dernier hommage à l’écrivain européen qui a su si bien parler de leurs peines, de leurs tristesses, mais aussi de leurs désirs les plus dangereux, de leurs voluptés secrètes, de leur soif d’amitiés. Les enfants des écoles et leurs professeurs mais aussi les commerçants qui ferment leurs boutiques et d’innombrables badauds suivent le long défilé qui se dirige à pas lents vers le cimetière à l’extérieur de la ville, tandis que sonnent les cloches de Petropolis.
     
    Stefan et Lotte Zweig reposeront côte à côte sous deux dalles de marbre noir, d’un luxe austère, où sont inscrits leurs noms et dates de naissance et de mort, près du descendant des Orléans-Bragance – petit-fils de l’empereur
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