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Stefan Zweig

Stefan Zweig

Titel: Stefan Zweig
Autoren: Dominique Bona
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se promènent entre mer et montagne, dans un décor de foire, les hommes et les femmes, demi-nus, bronzés et exultants, redevenus des enfants, jouent à être les rois du monde.
     
    Pour assister à cet étonnant spectacle, Stefan Zweig et Lotte, malgré la fatigue et la chaleur, sont descendus de Petropolis. C’est leur premier carnaval. Ils le découvrent deux jours après son ouverture, le lundi 16 février, tandis qu’il bat son plein. Claudio de Souza les accueille chez lui, puis leur sert de guide, les Feder qui logent à l’hôtel Botafogo les accompagneront. Ensemble, bientôt rejoints par la famille de Koogan, ils se mêlent à la foule et à l’invraisemblable tourbillon populaire. Tous les témoins sont formels : Zweig et Lotte n’ont jamais paru si enjoués, si détendus, au milieu des cris, des chants et des fanfares. Il semble que la liesse du carnaval les délivre l’un et l’autre de leurs mornes pensées, qu’il les arrache à eux-mêmes et à leur lassitude. Ernst Feder note la gaieté, la joie « presque puérile » de Stefan Zweig. Son épouse l’étonne plus encore, sortant de sa réserve et manifestant une animation et des couleurs aux joues qu’il ne lui a jamais vues.
     
    Le lendemain, mardi gras, promet une apothéose. La fête va crescendo, le délire doit amener chacun au débridement des passions, au déchaînement de la liesse. «  Riam, riam  » (riez, riez), «  Viva a folia !  » (vive la folie !) crient les masques. Zweig veut y assister, peut-être même y participer. Ce carnaval aux effets purificateurs le délivre de ses pulsions mauvaises et de la tristesse qui l’habite depuis trop d’années, lui procurant l’ivresse des sensations oubliées et des forces neuves.
     
    Mais le répit ne dure pas et dès le mardi matin, chez Claudio de Souza, la réalité se rappelle à lui, sous la forme d’une nouvelle catastrophe : Singapour vient de tomber ! Les Anglais ont perdu une bataille décisive. « Plus de résistance possible. Grand deuil dans l’Empire britannique », titre le journal brésilien. L’article développe les perspectives d’une vaste offensive allemande en Libye vers le canal de Suez. Non seulement la guerre s’étend, inexorable, enflammant l’un après l’autre pays et continents, mais la progression des nazis s’accentue, forçant ici au recul, là à la retraite les Alliés affaiblis, qui cèdent chaque jour du terrain. L’Angleterre vaincue, quelle résistance pourra contenir l’élan fanatique des troupes de Hitler ? Autour de Zweig, le décor perd son éclat. Le carnaval n’est plus que dérision. Ce qui le réjouissait hier le déprime et l’agace. Comment la joie des Cariocas ne lui serait-elle pas insupportable, quand il est dans la peine, quand son âme est en deuil ? Il reprend aussitôt ses valises, et quittant la maison de son hôte, tenant Lotte par le bras, il se fraye un chemin à travers le tumulte des rues et des places, et il parvient, bringuebalé, houspillé par la foule, à la Praça Maùa, d’où part un autocar pour Petropolis. Le bonheur, la fantaisie, les plumes, les chansons et les rires enveloppent un homme triste à mourir, la mine décolorée et les yeux hagards, traînant avec lui comme une ombre une grande femme élégante et sévère. Porque vão assim tristes ? Viva a folia ! Le couple s’est refermé sur lui-même, insensible à tout autre chose que son chagrin.
     
    Les 18 et 19 février, tandis que Lotte repose, fatiguée par la fièvre du carnaval, Stefan Zweig classe ses papiers et ses manuscrits et écrit ses adieux. Il commence par adresser une lettre à Abrão Koogan, pour le remercier et lui demander d’être son exécuteur testamentaire au Brésil. Il espère qu’il prendra soin de ses manuscrits. Avant qu’il ne les édite, car ils sont pour une grande part inachevés, il lui conseille de s’adresser à Victor Wittkowski, un jeune écrivain brésilien qu’il a connu à Rio et auquel il trouve une certaine finesse littéraire pour les relire et éventuellement les corriger. Son avocat au Brésil, le docteur Malamud, détient, lui dit-il, une copie du testament qu’il a déposé à New York. Ce qui importe à Zweig, c’est de partir en toute politesse, après avoir mis de l’ordre dans ses affaires, réglé ses problèmes et remercié ses amis. « Ne me plaignez pas, écrit-il à Koogan en français. Ma vie était anéantie depuis des années, et je suis heureux de
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