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Stefan Zweig

Stefan Zweig

Titel: Stefan Zweig
Autoren: Dominique Bona
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Pedro II – et de son épouse, une comtesse tchèque, enterrés sous une dalle de pierre brute, sans aucune inscription, à l’abri d’une sorte de jardin sauvage et clos. Il ne fait aucun doute que Zweig aurait préféré cette simplicité.
     
    Ses dernières volontés sont restées ignorées. Les obsèques nationales, pompeuses et solennelles, se doublent d’une cérémonie religieuse qu’il n’a pas davantage sollicitée et qui apparaît étrange et même assez choquante, quand on sait la volonté de Zweig de demeurer à l’écart de toute communauté. Pour Lotte, petite-fille de rabbin, la question pouvait être posée. Pour Zweig, un enterrement laïque eût été plus digne, respectueux de sa libre pensée. Mais le rabbin Mordechai Tzikinowsky, grand admirateur du Chandelier enterré , ne l’a pas entendu ainsi : n’ayant pu obtenir que Zweig soit enterré au cimetière juif de Rio, il a tant insisté auprès du maire de Petropolis que ce dernier a fini par ordonner que l’enterrement se fasse selon le rite. C’est un autre rabbin, le docteur Henrique Lemle qui, avec le cantor Fleischmann, officiera sur la tombe et prononcera la prière aux morts, sous l’averse torrentielle qui s’achève avec la cérémonie.
     

    Ceux qui restent
     
    « Est-ce si simple ? Ah ! qu’en savons-nous ? », s’interroge Klaus Mann, en apprenant à New York le suicide de Stefan Zweig. Il relit les lettres des dernières années où Zweig le remercie pour un livre, lui donne des conseils, lui parle d’un voyage, d’une soirée au théâtre, promet d’écrire un article pour l’aider, chaque fois affectueux et semblant goûter avec gourmandise à tous les plaisirs. « Lui qui aimait tant la vie, s’étonne Klaus Mann, qui savait si bien en jouir, qui semblait si choyé par le bonheur, si équilibré, si raisonnable ! Il avait la gloire, l’argent, énormément d’amis, une jeune femme, et il a tout rejeté… Pourquoi ? » Dans les lettres qu’il relit et où il n’avait jusqu’alors, sans doute par distraction, jamais noté la moindre trace de tristesse, il est tout ému de relever ici ou là « un mot d’ironie amère ou de lassitude, un soupir étouffé, une plainte discrète ».
     
    « Je n’avais rien remarqué, avoue-t-il. Je ne l’avais pas compris. » Presque tous les amis de Zweig auront la même réaction : ils s’étonneront de ce suicide dont ils n’ont pas soupçonné les mobiles et dont ils ne comprennent pas les raisons. Quand Egon Fridell s’est jeté par la fenêtre de son hôtel, à Vienne, au moment de l’Anschluss, quand Ernst Weiss et Joseph Roth, à Paris, puis Ernst Toller à New York, et Erwin Rieger, l’ami et le secrétaire de Zweig, à Tunis, ont commis l’irréparable, tous ceux qui les connaissaient pouvaient témoigner de leur désespoir et apporter quelque clarté à leur acte. Quand Klaus Mann lui-même se suicidera en mai 1949, dans le sud de la France, pour un ensemble de raisons qu’il a lui-même développées dans Le Tournant , et dont la plus évidente est un penchant général de sa propre famille au suicide, une sorte de fatalité génétique (la famille Mann détient sans doute là un triste record 5 ), personne ne s’exclamera : « Lui !… Pourquoi ? »
     
    Alors que d’autres assurément plus à plaindre, dans l’exil ou dans les camps, affichaient des prédispositions au suicide ou y furent acculés par des événements d’ordre personnel, désespérés et poussés à l’autodestruction, Zweig n’a jamais montré à ses amis qu’un visage serein. Le masque de cire que lui imposaient son éducation, sa pudeur, son souci extrême de politesse, cachait les blessures, les angoisses, et le fond passionné, tourmenté de son cœur. Sa propre vie, en apparence, était celle d’un privilégié : de quoi, objectivement, aurait-il pu se plaindre, quand tout lui réussissait ? Ainsi que le note Klaus Mann, la fortune et la gloire, l’amitié et l’amour s’étaient donné rendez-vous presque à son berceau. Comment soupçonner, sous le sourire et la gentillesse, l’instabilité profonde, l’inquiétude mortelle, la fragilité d’une âme capable de souffrir non pas seulement pour elle-même, mais au diapason des autres ? Capable de ressentir toutes les vibrations du malheur ? « Les gens parlent des bombardements avec légèreté, disait-il hier encore à Franz Werfel, moi, lorsque j’apprends que des maisons se sont
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