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Si c'est un homme

Si c'est un homme

Titel: Si c'est un homme
Autoren: Primo Levi
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la porte s'ouvre, et un SS entre, la cigarette à la bouche. Il nous examine sans se
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    presser, « Wer kann Deutsch » demande-t-il, l'un de nous se désigne, quelqu'un que je n'ai jamais vu et qui s'appelle Flesch, ce sera lui notre interprète Le SS fait un long discours d'une voix calme, et l'interprète traduit. Il faut se mettre en rang par cinq, à deux mètres l'un de l'autre, puis se déshabiller en faisant un paquet de ses vêtements, mais d'une certaine façon. Ce qui est en lame d'un côté, le reste de l'autre, et enfin enlever ses chaussures, mais en faisant bien attention à ne pas se les faire voler
    Voler par qui ? Pourquoi devrait-on nous voler nos chaussures9 Et nos papiers, nos montres, le peu que nous avons en poche ? Nous nous tournons tous vers l'interprète Et l'interprète interrogea l'Allemand, et l'Allemand, qui fumait toujours, le traversa du regard comme s'il était transparent, comme si personne n'avait parlé.
    Je n'avais jamais vu de vieil homme nu M
    Bergmann, qui portait un bandage herniaire, demanda à l'interprète s'il devait l'enlever, et l'interprète hésita Mais l'Allemand comprit, et parla d'un ton grave à l'interprète en indiquant quelqu'un, alors nous avons vu l'interprète avaler sa salive, puis il a dit • « L'adjudant vous demande d'ôter votre bandage, on vous donnera celui de M Coen »
    Ces mots-là avaient été prononcés d'un ton amer, c'était le genre d'humour qui plaisait à l'Allemand.
    Arrive alors un autre Allemand, qui nous dit de mettre nos chaussures dans un coin, et nous obtempérons car désormais c'est fini, nous nous sentons hors du monde : il ne nous reste plus qu'à obéir Arrive un type avec un balai, qui pousse toutes les chaussures dehors, en tas II est fou, il les mélange toutes, quatre-vingt-seize paires. Elles vont être dépareillées. Un vent glacial entre par la porte ouverte nous sommes nus et
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    nous nous couvrons le ventre de nos bras Un coup de vent referme la porte : l'Allemand la rouvre et reste là à regarder d'un air pénétré les contorsions que nous faisons pour nous protéger du froid les uns derrière les autres Puis il s'en va en refermant derrière lui.
    Nous voici maintenant au deuxième acte Quatre hommes armés de rasoirs, de blaireaux et de tondeuses font irruption dans la pièce, ils ont des pantalons et des vestes rayés, et un numéro cousu sur la poitrine, ils sont Peut-être de l'espèce de ceux de ce soir (de ce soir ou d'hier soir?), mais ceux-ci sont robustes et respirent la santé Nous les assaillons de questions, mais eux nous empoignent et en un tournemain nous voilà rasés et tondus. Quelle drôle de tête on a sans cheveux ' Les quatre individus parlent une langue qui ne semble pas de ce monde, en tout cas, ce n'est pas de l'allemand, sinon je saisirais quelques mots.
    Finalement, une autre porte s'ouvre • nous nous retrouvons tous debout, nus et tondus, les pieds dans l'eau • c'est une salle de douches. On nous a laissés seuls, et peu à peu notre stupeur se dissipe et les langues se délient, tout le monde pose des questions et personne ne répond Si nous sommes nus dans une salle de douches, c'est qu'ils ne vont pas encore nous tuer Et alors pourquoi nous faire rester debout, sans boire, sans personne pour nous expliquer, sans chaussures, sans vêtements, nus, les pieds dans l'eau, avec le froid qu'il fait et après un voyage de cinq jours, et sans pouvoir nous asseoir
    Et nos femmes ?
    L'ingénieur Levi me demande si d'après moi les femmes sont dans la même situation que nous en ce moment, et où elles sont, et si nous pourrons les revoir Bien sûr que nous les reverrons : je le réconforte parce
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    qu'il est marie et père d'une petite fille ; mais mon idée est faite je suis convaincu que tout cela n'est qu'une vaste mise en scène pour nous tourner en ridicule et nous humilier, après quoi, c'est clair, ils nous tueront, ceux qui s'imaginent qu'ils vont vivre sont fous à lier, ils sont tombés dans le panneau, mais moi non, moi j'ai bien compris que la fin est pour bientôt, ici même peut-être, dans cette pièce, des qu'ils se seront lassés de nous voir nus, nous dandiner d'un pied sur l'autre tout en essayant de temps en temps de nous asseoir sur le carrelage où dix centimètres d'eau froide nous en dissuadent invariablement.
    Nous arpentons la pièce de long en large, dans un grand brouhaha de conversations entrecroisées La porte s'ouvre, un Allemand
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