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Sedan durant la guerre de 1914 à 1918

Sedan durant la guerre de 1914 à 1918

Titel: Sedan durant la guerre de 1914 à 1918
Autoren: Henry Rouy
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plus triste que la vue de ces pauvres gens portant leurs quelques hardes, qui sur une brouette, qui dans une valise, qui dans une hotte... Du bétail, de la volaille, étaient aussi emmenés ; et puis ce fut le retour de l’armée française battue à Maissin ! Navrante vision de la défaite qui nous rappela les sombres journées du mois d’août 1870 !

    « Le mardi matin 25 août, nous a raconté le digne et courageux curé du Fond-de-Givonne, M. l’abbé Tonnel, j’étais assailli de sinistres pressentiments. En arrivant à l’église, à six heures du matin, je me prosterne devant l’autel et je fais à Dieu le sacrifice de ma vie. Après la messe, c’est-à-dire vers huit heures, je ferme l’église à clef. La veille, au salut que nous faisions chaque jour, j’avais averti mes paroissiens de ne pas commettre l’imprudence de monter au clocher, parce que ce serait s’exposer à être passé par les armes.
    A huit heures vingt, les premiers uhlans apparaissent ; ils passent sous ma fenêtre, descendent jusqu’à l’avenue et même jusque sur la place Turenne. Il y avait encore en ville des soldats français, qui tuèrent quelques Prussiens. Alors remontent des chevaux désarçonnés, et je comprends que nous sommes perdus et qu’on va venger sur nous la mort des ulhans. — Un peu. après, un détachement du 8 me d’infanterie allemande arrive. La fusillade éclate. Je descends à la cave, en laissant les portes du presbytère ouvertes.
    Tout à coup, la fusillade devient plus proche et plus vive. J’entends tomber quelque chose sur le toit : ce sont des pièces de bois du clocher contre lequel le feu est dirigé. La porte du presbytère s’ouvre, on crie : « W er da ? » Je remonte et me trouve en présence d’un officier, accompagné de deux hommes, baïonnette à scie au canon. L’officier me demande : « Francs-tireurs ? » Je réponds : « Non. — Pas d’armes ? Cette porte? — Voici la clé. — Venez avec nous. » Ils me conduisent dans la cour. Je veux entrer dans l’église par la porte de cette cour. Impossible. Je comprends qu’elle a été fortement buttée ou clouée à l’intérieur. « Cette porte ? demande l’officier. — C’est celle du jardin. — Ouvrez. » Je les conduis au jardin. En arrivant en haut de l’escalier, l’officier me dit: «On a tiré sur nous du clocher.» J’ai alors le sentiment que je vais être fusillé dans mon jardin. Je me recommande à Dieu, le priant d’agréer mon sacrifice pour l’Église et pour la France, et je réponds avec fermeté : « Je vous affirme, je vous jure même qu’il n’y avait personne dans l’église ni dans le clocher ! » Je lui cite même la recommandation que j’avais faite la veille. Tout en causant, je regarde du côté du chemin de Givonne, et j’aperçois des colonnes de fumée noire s’élevant des maisons. Pendant ce temps, les soldats culbutent quelques bottes d’avoine qui étaient dans la cabane du jardin. Ils prennent une échelle et regardent au-dessus des murs. Bien entendu ils ne découvrent rien de suspect et je leur dis : « Il n’y en avait pas plus à l’église et chez moi que dans le jardin. » L’officier était hésitant.
    Enfin, ils redescendent, moi au milieu des soldats, et toujours persuadé que je marche à la mort. — En arrivant dans la cour, je dis à l’officier : « Puis-je rentrer chez moi ? — Oui. » — C’est alors que je distingue de la fumée qui sort des vasistas de l’église. — Oh ! les criminels, pensè-je, ils ont incendié l’église. — L’officier parti avec les soldats, j’essayai de pénétrer par la porte de la cour ; vains efforts, la porte résiste toujours ! Et le Saint-Sacrement est dans le Tabernacle! J’aurais voulu le consommer le matin, mais le ciboire était rempli. A plusieurs reprises, je tente d’enfoncer la porte qui est déjà chaude. Je ne puis y parvenir. Je vais derrière l’église et tâche d’entrer par la fenêtre de la sacristie : les meubles de la sacristie brûlaient déjà, avant le toit ; qu’on remarque ce détail ! J’avais espéré que le feu n’atteindrait pas la voûte, ni l’autel. Hélas ! L’incendie poursuivait lentement son œuvre. La tribune flambe, le clocher aussi . Le bombardement fait rage. A une heure, l’horloge du clocher sonne douze coups, et tout cela excite le ricanement d’une troupe de cavaliers prussiens ; à une heure trente-quatre minutes l’horloge tombe, puis c’est la
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