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Satan à St Mary le bow

Satan à St Mary le bow

Titel: Satan à St Mary le bow
Autoren: Paul C. Doherty
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torturée. Elle a fait des aveux formels avant de nous maudire tout aussi formellement. On l’a traînée devant les tribunaux royaux et on l’a accusée de haute trahison, assassinat et sorcellerie. Alice-atte-Bowe a été déclarée coupable de ces crimes et les a expiés sur le bûcher de Smithfield.
    La voix du chancelier s’éteignit ; Corbett, le visage livide, voyait ses pires cauchemars se réaliser. Ce ne fut que parce qu’il s’était pratiquement préparé à cette nouvelle qu’il put empêcher le terrible martèlement à ses tempes et la plainte stridente dans sa tête de le faire hurler. Il était assommé. Des images tourbillonnaient dans son cerveau comme des roues enflammées. Il entendit le chancelier tousser et reprendre la parole :
    — Je suis désolé, Hugh. Vraiment désolé. Moi aussi je la trouvais très belle. Elle vous a laissé ceci.
    Il lança à Corbett un petit gant de soie noire.
    — Elle n’a pas donné d’autre message : Elle n’a pas souffert.
    La voix de Burnell trembla légèrement :
    — Je me suis assuré qu’elle ne souffrirait pas. On lui a fait boire du vin mélangé à de fortes drogues, avant que le bûcher de Smithfield soit allumé. Frappé de stupeur, Corbett entendit la voix, comme lointaine, du chancelier, mais il n’en avait cure. La bouche sèche, pris de vertiges, il vit la pièce tournoyer et se sentit nauséeux et faible. Il se leva, le petit gant noir fortement serré à la main. Il entendit Burnell lancer un ordre, mais il sortit de la pièce en repoussant des officiers stupéfiés qui ravalèrent leurs protestations à la vue de son air défait.
    Finalement, le clerc se fraya un chemin hors du Grand Hall et courut presque jusqu’au quai où, hors d’haleine, il s’effondra sur les marches croulantes et battues par les vents. Il s’efforça de reprendre son souffle et d’apaiser les battements fous de son coeur. Alice n’était plus là, elle était morte, le monde était vide sans elle. Une mouette cria sur fond de ciel plombé. Corbett porta le gant à son nez ; s’en exhalait un léger parfum évoquant la nature même d’Alice. Le gant était presque chaud contre la peau glacée de son visage. Corbett le tint doucement dans sa main, puis le laissa tomber dans le fleuve comme une fleur noire et rare. Le gant flotta et frémit avant d’être saisi et entraîné par le courant, caressé par les eaux qui l’emportèrent vers l’immensité de la mer.

NOTE DE L’AUTEUR
    L’extrait suivant, tiré d’une chronique de Londres écrite en latin, pourra intéresser le lecteur. En voici la traduction :
    En cette année, Lawrence Duket, orfèvre de Londres, blessa mortellement Ralph Crepyn dans Cheapside avant de se réfugier dans l’église St Mary-le-Bow. Ensuite certains malfaiteurs amis dudit Ralph pénétrèrent dans l’église la nuit venue et tuèrent ledit Lawrence en le pendant à une barre de fenêtre. Une enquête fut ouverte et le verdict du coroner fut que ledit Lawrence s’était suicidé ; sur la foi de cela, le corps fut tiré par les pieds jusqu’à l’extérieur de la ville et enterré dans un fossé. Peu après, grâce à la confession d’un adolescent qui avait passé la nuit avec ledit Lawrence la veille de sa mort, mais qui avait fui ensuite, on apprit la vérité. Sur la foi de quoi, on emprisonna une certaine Alice-atte-Bowe, auteur du crime, ainsi que seize hommes ; la plupart furent pendus et la femme brûlée vive. L’église fut mise sous interdit par l’archevêque de Canterbury, ses portes et fenêtres furent barricadées avec des branches d’épineux. Lawrence Duket fut exhumé du fossé et enterré en terre consacrée.
    Alice-atte-Bowe a donc bien existé. Elle était l’organisatrice d’une bande ou d’une secte qui commit sacrilèges et meurtres dans l’église St Mary-le-Bow en 1284. Londres était alors en plein changement et chaos politiques, et cet assassinat peut fort bien avoir été lié à la politique trouble de cette époque. Montfort fut massacré à Evesham de façon sanguinaire et immonde, et ses partisans plus tard se livrèrent à des assassinats. L’église St Mary-le-Bow fut le centre de pratiques sataniques, car Fitz-Osbert, qui a réellement existé, détint pendant quelque temps un pouvoir {26} politique considérable dans la capitale.
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