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Retour à Soledad

Retour à Soledad

Titel: Retour à Soledad
Autoren: Maurice Denuzière
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rageusement.
     
    L'architecte avait, seul, accompagné Cornfield à Manchester où résidait la sœur de ce dernier, Mary Ann, épouse de sir William Gordon, connu sous le sobriquet révélateur de Willy Main-Leste. Ottilia, qui ne tenait à revoir ni un oncle de qui elle avait autrefois exploité la lubricité ni une tante acariâtre, avait prétexté des nausées ferroviaires pour se faire dispenser du voyage.
     
    Tandis que Malcolm Murray, peu intéressé par l'industrie textile, s'était rendu à la City Art Gallery, qui abritait cette année-là une exposition de sept cents peintures, dont des Vermeer et des Velázquez, les beaux-frères, associés dans plusieurs filatures, avaient parcouru leurs ateliers où fonctionnaient de nouvelles machines récemment acquises. Les performances de ces engins, mus par la vapeur, avaient impressionné lord Simon.
     
    – Maintenant, le coton arrive de Liverpool tel qu'il a été expédié des Carolines ou de Louisiane. Il est aussitôt saisi par des machines qui le cardent, le débarrassent de ses impuretés, l'épluchent avec leurs crochets pointus, l'étalent en rouleaux, le peignent, l'étirent, le tordent pour produire une mèche sans fin dont une renvideuse tire un fil délicat, aussitôt enroulé sur des bobines. N'est-ce pas un grand progrès ? dit-il s'adressant plus particulièrement à Charles.
     
    – Depuis la machine à égrener le coton d'Eli Whitney, les inventeurs ont bien servi votre industrie, reconnut l'ingénieur.
     
    – Peu d'hommes sont nécessaires pour faire fonctionner nos nouvelles machines, nous allons donc réduire le nombre d'ouvriers et accélérer la production. C'est tout bénéfice, conclut le lord, satisfait.
     
    Après un nouveau séjour à Londres, puis chez lord Richard, père de Malcolm, Ottilia et son mari avaient suivi lord Simon à Bath, ville d'eau fameuse depuis l'Antiquité. Ce séjour avait été source de déconvenue. Lord Simon jura qu'il n'y remettrait jamais les pieds.
     
    – Bath est aujourd'hui envahi par le peuple des nouveaux riches, des boutiquiers et des calicots. Ils viennent se tremper dans les baignoires romaines et parader sur Royal Crescent, ce qui doit faire frémir le beau Nash dans sa tombe, grommela Murray.
     
    – Le chemin de fer est responsable de cette situation. Il permet à tout le monde de se déplacer à moindre prix. Il y a trente ans, il fallait six heures de diligence pour parcourir les cinquante et un miles qui séparent Londres de Brighton, et l'on payait douze shillings. Aujourd'hui, on y va pour trois shillings en une heure ! s'indigna Cornfield.
     
    – Et le Great Western Railway va de Londres à Bristol à la vitesse de soixante-quinze miles à l'heure ! compléta Murray.
     
    – N'est-ce pas aussi un progrès que le bon peuple britannique puisse jouir d'avantages jusque-là réservés aux gens fortunés ? observa Charles, provocateur.
     
    – « Le bon peuple », comme vous dites, est incapable de goûter des plaisirs raffinés. Il lui faut des manèges de chevaux de bois, des tirs forains, des gaufres et de la bière. Nous lui laissons volontiers Blackpool où, le dimanche, vont s'enivrer les mineurs de charbon et leurs lorettes, lança Malcolm Murray.
     
    – Mais il faudrait les y cantonner, renchérit Ottilia.
     
    – Oh ! ne méprisons pas ceux qui travaillent dur dans les mines et les usines. Ils ont besoin de distractions. Qu'ils puissent s'en offrir est en effet une bonne chose. Et puis, en visitant les lieux bien fréquentés, ces gens s'instruiront, adouciront leurs mœurs, se poliront, intervint Margaret Russell.
     
    – Ne comptez pas trop sur l'exemple des jeunes gens de la bonne société pour éduquer ce que Desteyrac appelle « le bon peuple », Margaret. Aujourd'hui, je l'ai constaté, il est de bon ton de mépriser nos traditions. Les jeunes ladies, même riches, ne s'habillent plus en fonction des circonstances, négligent l'heure du thé, ne font plus les visites obligées. Les jeunes hommes ne se changent plus pour dîner et leurs sœurs sortent sans chaperon. Dans les salons, on est philosophâtre. On a le droit de parler de tout, même de sexe ! Les mères racontent leurs accouchements. On dit que les sentiments doivent guider le raisonnement : eh bien, j'ai entendu une péronnelle décréter qu'ils serait bon de supprimer les infirmes et les mal-faits dès la naissance ! compléta lord Simon.
     
    – Quelle horreur ! Comment
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