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Retour à l'Ouest

Retour à l'Ouest

Titel: Retour à l'Ouest
Autoren: Victor Serge
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tous les domaines et il me semble même
que des progrès appréciables aient été réalisés depuis la guerre. J’avais connu
les quartiers ouvriers de Liège et de Bruxelles avant la guerre, je les
retrouve assainis. Telles impasses où gîtaient des misères séculaires ont disparu.
Ce n’est peut-être pas énorme, mais ce n’est pas insignifiant.
    À ces raisons d’optimisme, fondées sur des impressions d’ensemble
tout extérieures, la réflexion en ajoute d’autres, confirmées par des
événements récents. La classe ouvrière d’Occident sort manifestement de la
longue période de dépression qui s’ouvrit pour elle, au lendemain de la guerre
et des troubles de l’après-guerre. N’était-elle pas la classe la plus saignée, la
plus atteinte dans sa chair même ? Pour qu’elle redevînt forte et prît une
nette conscience de sa force, il lui fallait, de toute évidence, une longue
récupération des forces physiologiques. Il fallait que le temps comblât les
vides, cicatrisât les plaies, raffermît les esprits et les caractères touchés
par une terrible usure. Dix-huit années se sont écoulées depuis l’armistice, peu
s’en faut. La classe ouvrière d’Occident arrive à l’orée d’une époque de lutte
et de travaux dans laquelle elle se montrera sans doute autrement puissante et
capable qu’elle ne l’était naguère encore, avant d’entrer en convalescence.

Retour à la puissance
    20-21 juin 1936
    Les économistes savent que la production mondiale obéit à un
rythme qui fait alterner les périodes d’essor et les périodes de crise : de
là la théorie des crises cycliques. Les physiologistes savent que la vie
humaine parcourt aussi des cycles de développement, d’ailleurs beaucoup plus
complexes. Il semble tout à fait raisonnable d’admettre que la vie sociale dans
son ensemble obéisse à des lois sur lesquelles des facteurs aussi primordiaux
que ceux de la biologie exercent une influence parfois dominante. N’est-il pas
évident que des peuples épuisés par une longue guerre ont besoin de repos, de
paix, en un mot d’une assez longue période de récupération des forces pour
redevenir entreprenants ? On voit après toutes les guerres se produire des
détentes, des dépressions, des convulsions sociales qui dénotent bien un affaissement
de ce que nous appellerons le tonus vital. Jusqu’ici d’ailleurs la plupart des
mouvements révolutionnaires tentés par la classe ouvrière à l’issue de grandes
guerres ont abouti à des réactions. La révolution russe semble faire exception
à cette règle, mais il convient de tenir compte des particularités de
développement propres à la Russie, vaste pays paysan encore soumis en 1917 à un
absolutisme antérieur à l’évolution capitaliste.
    Ce sont là de grands sujets et il peut paraître singulier
que les grèves magnifiquement victorieuses qui viennent de se terminer en
France y fassent songer [33] .
C’est pourtant devant elles que je me suis mis à considérer des dates
lointaines, si claires dans leur signification historique que les raisons de
confiance que nous y trouvons ne semblent guère prêter à contestation. Réfléchissons
un moment à l’histoire de la France de 1789, c’est-à-dire depuis le début de la
Révolution française, à nos jours. Nous y voyons, comme sur une feuille de
température, croître et décroître successivement l’activité des masses
populaires, les grands événements sociaux survenant à des intervalles d’une
vingtaine d’années. Vingt ans pourquoi ? Mais parce qu’il faut, quand une
génération a fourni son effort, qu’une autre monte. Un effort, dans l’histoire,
cela représente toujours des sacrifices, du sang versé, des illusions perdues, des
conquêtes chèrement payées ; les peuples après l’avoir fourni ont besoin
de repos comme quiconque a travaillé, sa journée faite.
    Le tiers état, pour lequel peine obscurément le quatrième
état de la misère, – gens de la glèbe et petits artisans –, monte en 1789 à l’assaut
du pouvoir. La lutte dure environ dix ans, jusqu’à l’aube du siècle nouveau. Thermidor,
le Consulat, le Directoire, l’Empire assurent le triomphe de la révolution
bourgeoise par vingt années de stabilité intérieure, de 1795 à 1815. Les
guerres de l’Empire saignent les classes laborieuses et enrichissent les
nouveaux parvenus ; quand ceux-ci, las du régime napoléonien, se sentent
assez forts pour intervenir,
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