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Requiem sous le Rialto

Requiem sous le Rialto

Titel: Requiem sous le Rialto
Autoren: Nicolas Remin
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De fait, les lignes claires des baleines se dessinaient sous le tissu rouge. Il demanda :
    — Vous voulez nous quitter ?
    — Je ne voudrais pas abuser de votre hospitalité, répondit l’homme masqué avec une feinte politesse. Pour cela, je dois toutefois emprunter l’escalier. C’est pourquoi j’aimerais disposer d’un revolver. Je pourrais l’appliquer sur la tempe de M. Stumm. Cela vous dissuaderait, j’imagine, d’entreprendre une action héroïque.
    — Et ensuite ?
    — Ensuite, vous mettrez une gondole à ma disposition. Le colonel m’accompagnera encore un petit bout de chemin.
    — Où voulez-vous aller ?
    — Quelque part où je pourrai descendre aisément de la gondole, répondit l’homme avec un haussement d’épaules, puis dans un endroit où je pourrai retirer cette robe.
    — Qui nous garantit que vous ne tuerez pas le colonel et le gondolier ? répliqua le commissaire. Vous avez vous-même fait remarquer que vous n’aviez plus rien à perdre.
    L’homme grimaça.
    — Pourquoi devrais-je les tuer ? Le gondolier va me débarquer et poursuivre sa route pendant que je disparaîtrai dans le brouillard.
    — Je ne peux vous prêter qu’une arme de service.
    — Ce sera pour moi un honneur de l’utiliser, commissaire, déclara l’homme déguisé en femme.
    — Puis-je vous proposer le revolver de mon adjoint ? poursuivit Tron avec la même politesse de façade.
    L’homme hocha la tête.
    — Mais avec plaisir ! Je suppose que votre subalterne va se garder de commettre une bêtise au moment où il sortira l’arme de son étui. Peut-être devriez-vous néanmoins le lui rappeler.
    — Ce ne sera pas nécessaire, répliqua Tron.
    Il tourna la tête vers Bossi qui s’était avancé derrière lui.
    — Donnez-lui votre revolver, inspecteur.
    Le jeune homme faillit protester. Il s’en abstint cependant en voyant son chef lever la main.
    — Prenez-le par le canon, inspecteur ! ordonna l’homme. Du bout des doigts. Comme si vous teniez un rat mort par la queue.
    Bossi glissa la main droite dans la poche de sa robe à crinoline, en sortit son revolver et serra la bouche du canon entre le pouce et l’index de la main gauche.
    — Passez votre arme au commissaire ! poursuivit l’homme. Et vous, commissaire, prenez-la de la même manière et posez-la sur la petite table à côté de moi. Je suppose qu’elle est chargée ? ajouta-t-il.
    — Mon arme de service l’est toujours, déclara l’inspecteur.
    — Dans ce cas, commissaire, posez-la sur la table et ouvrez-la. Dans cet ordre. Je désire voir les cartouches dans le barillet. Ensuite, vous refermerez le revolver et regagnerez votre place à reculons.
    Tron vit l’inspecteur lui tendre l’arme qu’il tenait entre le pouce et l’index et s’en saisit de la même façon. On aurait bel et bien dit deux gamins en train de se passer un rat mort.
    Une centaine de témoins suivaient la scène en retenant leur souffle. Du coin de l’œil, le commissaire distingua sa mère et sa fiancée au premier rang. La comtesse pressait un mouchoir contre ses lèvres ; la princesse affichait la mine froide et sceptique qu’elle réservait aux situations délicates. À côté d’elle se tenait Spaur, la figure écarlate et la respiration lourde, et, à côté de Spaur, Mlle Violetta, la bouche ouverte en cœur. Le reste de l’assistance semblait considérer cette affaire comme un spectacle intéressant. Quelques personnes debout au premier rang, les places chères en quelque sorte, trempaient les lèvres dans leurs coupes de champagne. Les dames agitaient leurs éventails. Le commissaire savait parfaitement ce que pensaient la plupart des invités : enfin un bal masqué où il se passait quelque chose, enfin un numéro haletant ! C’était cynique, et après coup, personne ne l’avouerait, mais il connaissait son petit monde.
    Il fit deux pas en direction de l’assassin, le revolver toujours entre les deux doigts. Cependant, il nota que Bossi n’était pas revenu à sa place initiale, mais s’était posté près de l’estrade abandonnée par les musiciens. Rien ne justifiait ce choix ; le criminel ne semblait pourtant pas s’en soucier.
    L’inspecteur se trouvait ainsi à côté des timbales et des grandes cymbales en laiton. Tron le fixa de manière discrète et baissa lentement le regard vers les instruments de musique. Il s’éclaircit la gorge et, tout à coup, comprit ce que son adjoint avait en tête.
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