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Quand un roi perd la France

Quand un roi perd la France

Titel: Quand un roi perd la France
Autoren: Maurice Druon
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nous
gratifie.
    Quand vous rentrerez en Périgord,
faites-moi la bonne grâce de vous rendre à Bourdeilles, Archambaud, et voyez si
l’on a bien réparé les toitures comme je l’ai commandé tout à l’heure. Et puis
la cheminée de ma chambre fumait… C’est grande chance que les Anglais l’aient
épargné. Vous avez vu Brantôme, que nous avons juste passée ; vous avez vu
cette désolation qu’ils ont faite d’une ville autrefois si douce et si belle au
bord de sa rivière ! Le prince de Galles s’y est arrêté, pour la nuit, le
9 du mois d’août, à ce qui vient de m’être dit. Et ses courtilliers et goujats,
au matin, ont tout embrasé avant de repartir.
    Je réprouve fort cette façon qu’ils
ont de tout détruire, ardoir, exiler ou ruiner, comme il semble qu’ils s’y
adonnent de plus en plus. Qu’on s’égorge à la guerre, entre gens d’armes, je le
conçois ; si Dieu ne m’avait désigné pour l’Église et que j’aie eu à mener
bannières au combat, je n’aurais point fait de quartier. Qu’on pille, passe
encore ; il faut bien donner quelque agrément aux hommes dont on exige
risque et fatigue.
    Mais chevaucher seulement pour
réduire le peuple à misère, griller ses toits et ses moissons, l’exposer à
famine et froidure, cela me donne du courroux. Je sais le dessein ; de
provinces ruinées, le roi ne peut plus tirer impôt, et c’est pour l’affaiblir
qu’on détruit ainsi les biens de ses sujets. Mais cela ne vaut. Si l’Anglais
prétend avoir droit sur la France, pourquoi la ravage-t-il ? Et pense-t-il,
même s’il l’emporte par les traités après l’avoir emporté par les armes,
pense-t-il en agissant de la sorte y être jamais toléré ? Il sème la
haine. Sans doute il prive d’argent le roi de France, mais il lui fournit des
âmes qu’animent la colère et la vengeance. Trouver des seigneurs, ici ou là,
pour faire allégeance par intérêt, oui le roi Édouard en trouvera ; mais
le peuple désormais lui opposera refus, car ce sont traitements inexpiables.
Voyez déjà ce qui se produit ; les bonnes gens n’en veulent point au roi
Jean de s’être fait battre ; ils le plaignent, ils l’appellent Jean le
Brave, ou Jean le Bon, alors qu’ils devraient l’appeler Jean le Sot, Jean le
Buté, Jean l’Incapable. Et vous verrez qu’ils sauront se saigner pour payer sa
rançon.
    Vous me demandez pourquoi je vous
disais hier que la peste avait eu grave effet sur lui et sur le sort du
royaume ? Eh ! mon neveu, pour quelques morts en mauvais ordre, des
morts de femmes et d’abord de la sienne, Madame Bonne de Luxembourg, avant
qu’il ne soit roi.
    Madame de Luxembourg fut enlevée par
la peste en septembre de 1349. Elle devait être reine, et eût été une bonne
reine. Elle était, comme vous le savez, la fille du roi de Bohême, Jean
l’Aveugle, qui avait si grand amour de la France qu’il disait que la cour de
Paris était la seule où l’on pût vivre noblement. Un modèle de chevalerie, ce
roi-là, mais un peu fou. Bien que n’y voyant goutte, il s’obstina de combattre
à Crécy et, pour cela, il fit lier son cheval aux montures de deux de ses
chevaliers qui l’encadraient de part et d’autre. Et ils se ruèrent ainsi à la
mêlée. On les trouva morts tous les trois, toujours liés. Le roi de Bohême
portait trois plumes d’autruche blanches au cimier de son heaume. Son noble
trépas frappa si fort le jeune prince de Galles… il allait alors sur ses seize
ans ; c’était son premier combat, et il s’y conduisit bien, même si le roi
Édouard estima politique d’exagérer un peu la part de son héritier dans cette
affaire… le prince de Galles donc fut si frappé qu’il pria son père de lui
laisser porter dorénavant le même emblème que feu le roi aveugle. Et c’est
pourquoi l’on voit les trois plumes blanches surmonter à présent le heaume du
prince.
    Mais le plus important en Madame
Bonne, c’était son frère, Charles de Luxembourg, dont nous avions, le pape
Clément VI et moi, favorisé l’élection à la couronne du Saint Empire. Non
que nous ne pensions avoir quelques embarras avec ce rustaud madré comme un
marchand… oh ! rien de son père, vous en jugerez bientôt ; mais comme
nous prévoyions aussi que la France connaîtrait de piètres moments, c’était la
renforcer que de faire son futur roi beau-frère de l’Empereur. Morte la sœur,
finie l’alliance. Les embarras, nous les avons eus avec sa Bulle
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