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Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants

Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants

Titel: Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants
Autoren: Mathias Enard
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des travaux du pont, il sait que le sultan est fier de son architecte, il vient donc le féliciter et lui présenter ses respects. L'homme est affable. Sa conversation est agréable. Toute la capitale ne parle que de ce nouvel ouvrage, dit-il. Vous allez être le héros de la ville, comme à Florence.
    Michel-Ange, un peu gêné, ne sait comment aborder le sujet qui l'intéresse.
    Ils s'assoient dans la cour, à l'ombre du figuier.
    Ils parlent de Florence, de politique, de Rome, en compagnie de Maringhi le marchand, qui connaît par ailleurs Arslan ; cette coïncidence semble un excellent présage à l'artiste. Il bout de trouver un moyen de revoir l'objet de sa passion.
    C'est Maringhi qui le trouve pour lui.
    — C'est bientôt la Saint-Jean, patron de Florence, dit le négociant. Je vais donner une fête, je compte sur votre présence.
    — Je connais d'excellents musiciens, ajoute Arslan en se tournant vers le sculpteur.
    Michel-Ange ne peut s'empêcher de rougir.  

 
     
     
     
     
     
    Le chantier du nouveau pont sur la Corne d'Or débute officiellement le 20 juin 1506, par la fermeture d'une partie du port et la construction d'une plate-forme pour l'acheminement des milliers de pierres nécessaires à l'édifice. Auparavant il a fallu aménager un grand espace au pied des remparts et agrandir la porte della Farina. Michel-Ange attend toujours l'argent promis ; pour le moment seule une nouvelle bourse de cent pièces d'argent pour ses frais lui est parvenue, vite absorbée par le prix exorbitant que lui demande Maringhi pour sa pension et ses fournitures.
    Il a d'autant plus hâte de rentrer en Italie que ses frères le pressent constamment et qu'il sait, depuis la mystérieuse missive venue de Rome, que certains cherchent à le perdre, à le faire passer pour un renégat, peut-être, ou pire. Il a l'habitude des cabales. Les couloirs du palais pontifical grouillent d'intrigants et d'assassins ; ses ennemis, Raphaël et Bramante, en particulier, sont puissants.
    On lui promet qu'il pourra bientôt repartir.
    Michel-Ange a peur que Bayazid et Ali Pacha ne soient trop contents de lui pour le laisser s'en aller si vite.
    Constantinople est une très douce prison.
     
    La ville balance entre l'est et l'ouest comme lui entre Bayazid et le pape, entre la tendresse de Mesihi et le souvenir brûlant d'une chanteuse éblouissante.  

 
     
     
     
     
     
    Arslan est revenu une fois rendre visite au sculpteur.
    Il l'a trouvé, dans sa chambre, occupé à noter la liste de ses dernières dépenses.
    Arslan s'étonne de la présence du singe qui gambade librement en dehors de sa cage ouverte, saute en criant de la table à l'épaule de l'artiste, puis sur le lit et jusque dans les jambes du visiteur.
    Le Turc l'écarte du pied, sans ménagement. — Où avez-vous déniché cette bestiole ?
    — C'est un cadeau de Mesihi. Il vient de l'Inde, ajoute fièrement Michelangelo en souriant. Arslan hausse les épaules.
    — C'est horrible, cela crie et sent mauvais. Méfiez-vous, il pourrait vous mordre.
    Michel-Ange éclate de rire.
    — Non, jusqu'ici il n'a mordu que Maringhi, qui le mérite. Je l'ai appelé Jules, en l'honneur de son mauvais caractère. Moi il me mange dans la main, regardez.
    Il attrape une noisette dans un petit sac et la présente au singe ; celui-ci s'approche et prend délicatement le fruit sec dans ses doigts minuscules, avec un grand respect et une vraie noblesse.
    Michel-Ange ne peut s'empêcher de rire à nouveau.
    — N'est-il pas distingué ?
    Arslan a une moue dégoûtée.
    — Il y a quelque chose de diabolique dans leur attitude presque humaine, maestro.  
    — Croyez-vous ? Je trouve cela amusant. Arslan préfère changer de sujet.
    — Avez-vous des nouvelles de votre pont ?
    — Oui. Les ingénieurs se battent pour des problèmes de portée et de hauteur des piles. Les travaux d'aménagement ont commencé sur les deux rives ; je vais bientôt dessiner les détails des arches et des piliers et dresser des plans d'exécution cotés.
    — Ce n'est pas encore fait ?
    — Non, j'attends les avis des ingénieurs.
    — Vous allez donc rester parmi nous encore longtemps.
    Michelangelo soupire.
    — C'est possible.
    — Cela n'a pas l'air de vous réjouir.
    — J'avoue que l'Italie me manque. Mes frères me réclament, qui plus est.
    — Si je peux vous aider en quoi que ce soit, n'hésitez pas. Qu'est-ce qui pourrait rendre votre séjour plus agréable ?
    Le sculpteur ne peut s'empêcher de
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