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Noir Tango

Noir Tango

Titel: Noir Tango
Autoren: Régine Deforges
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qu’elle fut une ennemie : n’était-elle pas une femme qu’il
avait désirée au premier regard ? De femmes, dans sa vie de soldat, il n’avait
guère connu que les prostituées et quelques malheureuses violées après l’assaut.
Ces étreintes ne lui avaient apporté que dégoût de lui-même et presque de la
haine pour ces créatures veules ou épouvantées. La présence de Léa sur le
bateau lui avait fait soupçonner qu’il y avait peut-être autre chose que le
rapprochement furtif de deux corps. Il lui dit d’une voix basse et suppliante :
    — Parlez, je vous en conjure, parlez.
    Léa secoua la tête lentement.
    Pour la première fois de sa vie, il avait
peur… peur pour elle. Il savait qu’elle devrait parler, de gré ou de force. Il
répugnait à la torture, la trouvait indigne d’un soldat, mais les autres ?…
mais Rosa Schaeffer ?…
    — Donnez-moi une cigarette.
    Il s’empressa de lui présenter un paquet de
Carrington.
    — Vous n’avez rien d’autre ? dit-elle
en tirant sur la cigarette.
    — Grâce au
numéro d’immatriculation relevé par le témoin, nous avons retrouvé le nom du
propriétaire du véhicule : c’est celle d’un riche négociant en vins du
Chili, Remondo Navarro, client assidu de l’« A.B.C. » qui, quand il
vient à Buenos Aires, passe ses soirées à boire de la bière avec des anciens de
la Gestapo. Grand ami d’Heinrich Doerge, qui pendant la guerre était conseiller
de la Banque centrale d’Argentine, et de Ludwig Freude, ambassadeur officieux
du Reich à Buenos Aires. Nous savons que c’est Freude qui a été chargé de
dissimuler le trésor nazi. Certains de nos informateurs affirment qu’une partie
de ce trésor serait au Chili entre les mains des dirigeants d’une société
secrète nazie.
    François Tavernier marchait de long en large,
écoutant attentivement les propos du docteur. Dans un coin, Amos Dayan et Uri
ben Zohar fourbissaient leurs armes.
    — Remondo Navarro est introuvable pour
le moment. Nous savons qu’il se rend fréquemment dans une estancia située
à cent kilomètres de la capitale en direction du nord. Deux de nos agents sont
partis. S’ils trouventl’ estancia , ils nous le feront savoir par
radio. En attendant, nous devons nous séparer. Léa connaît cette adresse… j’ai
une petite maison près du fleuve à San Isidro, elle appartient aux parents de
ma femme. Je suis à peu près sûr que ni la police ni nos ennemis ne la
connaissent. J’y tiens en état de marche un bateau à moteur qui peut nous
permettre de fuir en cas d’attaque. Près de l’église de San Isidro, il y a une esquina tenue par des amis, c’est un de nos lieux de rendez-vous. Des
instructions seront déposées là-bas dans la soirée. Le mot de passe est : « Où
se trouve le presbytère ? » ; on doit vous répondre : « Le
père n’est pas là. » Cet après-midi, il y a une manifestation des
travailleurs des chemins de fer plaza de Mayo. Nous pensons que c’est à
la faveur de ce grand rassemblement populaire que Rosa Schaeffer quittera sa
cachette. Plusieurs des nôtres sont sur place près de son domicile et aux
alentours. Sarah est avec eux.
    — Sarah ?… mais c’est de la folie,
Rosa Schaeffer va la reconnaître, dit Tavernier.
    — C’est ce que nous lui avons dit, mais
rien n’a pu la faire changer d’avis. Samuel est avec elle.

31.
    Une jeune femme blonde, les yeux cachés par
des lunettes noires, regardait les groupes d’hommes en chemise se rendant plaza de Mayo. De la place lui parvenait le son sourd et obsédant des bombos.
    Rosa Schaeffer avait quitté la rue Esmeralda
et était entrée dans l’église de Maïpu. La femme blonde l’avait suivie, mais
était ressortie presque immédiatement. Elle avait fait signe à un homme qui
était entré à son tour. Peu après, deux religieuses et un prêtre avaient quitté
l’église. Malgré le déguisement, Sarah reconnut Rosa Schaeffer qui n’eut pas un
regard pour la femme blonde qu’elle frôla presque. Un des deux hommes devait
être Barthelemy.
    L’avenue de Mayo était noire d’une foule
agitant des banderoles et criant des slogans propéronistes. Les bombos donnaient une dimension dramatique à ce rassemblement. L’homme de Mayo ; les
vengeurs étaient sur leurs traces. Les cris s’amplifièrent, Juan Perón et Eva
venaient d’apparaître au balcon de la Casa Rosada. Les noms du président et de
sa femme étaient scandés au rythme des
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