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No Angel

Titel: No Angel
Autoren: Jay Dobyns
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réveillais de temps en temps pendant la nuit. Cela me faisait une impression bizarre. La lumière était faible, les machines émettaient leurs bips. À mesure que je me rétablissais, leur nombre diminuait. C’était bon signe. J’éprouvais un sentiment nouveau. C’était une euphorie que je n’avais jamais ressentie. Sur le terrain de football, j’avais été frappé des milliers de fois par des types de la même taille que moi ou plus puissants. J’avais reçu de très sales coups mais je tenais toujours à me relever aussitôt après. C’était une question d’orgueil. Quand on m’avait sorti de la voiture, alors que le sang giclait et que ma poitrine gargouillait, je m’étais assis. Je ne pouvais pas faire plus. Le nouveau sentiment était le suivant : on ne pouvait pas m’arrêter. C’est après ma blessure que j’ai ressenti les premières bouffées d’invincibilité. L’angoisse de la proximité de la mort eut sur moi des conséquences dangereuses, mais je ne m’en rendis pas compte sur le moment. Sans avoir la moindre envie d’être touché à nouveau, je voulais être aussi près que possible de la trajectoire de la balle. Les acclamations de quatre-vingt mille fans de football produisent une sensation incroyable, mais elle est à peine perceptible comparée à l’euphorie qu’on éprouve quand on est seul entre la vie et la mort.
    Je n’avais pris que la quantité d’analgésique prescrite mais, quand je sortis de l’hôpital, j’avais l’impression d’être un vrai camé. J’avais des cernes noirs sous les yeux et je dégueulai du goudron marron pendant une semaine. Envie de rien, sauf de la came que je ne pouvais pas avoir. Je décrochai : tremblote, bouffées de chaleur, larmes, la totale.
    Ma femme de l’époque me demanda si je n’en avais pas marre. Elle voulait que je démissionne. Je ne pouvais pas le lui reprocher. Je lui répondis que c’était au contraire pour cette raison que je faisais ce métier.
    — Pour te faire tirer dessus ?
    — Non, pour braver ces types. J’ai perdu cette fois, mais je ne perdrai plus.
    Peu après, on divorça.
    Les paroles du directeur résonnaient à mes oreilles : je pourrais un jour occuper son fauteuil. Son poste signifiait posséder un vaste bureau en bois et un téléphone de cadre dirigeant avec des tas de boutons et de témoins lumineux. Bon sang, à cette époque, en 1987, il avait probablement déjà un ordinateur personnel. Cela ne me faisait pourtant pas envie. La balle avait suscité en moi la passion du terrain, qui m’habita dès lors entièrement. Elle fut l’assurance pour moi que je ne dirigerais jamais que moi-même et me persuada que les grandes tables de travail étaient bonnes pour les mannequins castrés. Je pensai : rien à foutre de ça, je serai agent infiltré.

3
 
« C’EST TOUT CE QUE
J’AIME DANS LA VIE,
VOILÀ CE QUE C’EST »
    Août 2001-janvier 2002
     
    Si la fusillade démontra une chose, ce fut bien que mon travail et donc aussi ma vie étaient complètement dépourvus de glamour. Stupidement, j’avais imaginé que l’existence d’un agent infiltré serait comme Deux Flics à Miami  : offshores, voitures de sport, costumes de luxe et adolescentes parfaites, en Bikini, assises sur mes genoux pendant que je négocierais avec des barons de la drogue. Mais je fus confronté à des strip-teaseuses édentées et à des anciens combattants du Vietnam amers, je fis des affaires avec des accros à la meth* dans des mobile homes, et je me fis tirer dessus par un ex-taulard minable qui vivait chez sa mère.
     
    Cependant j’aimais mon travail. Après la fusillade, j’allai finir ma formation à l’académie. Quand j’eus obtenu mon diplôme, on m’envoya à Chicago, où j’appris mon nouveau métier avec un autre jeune agent, Chris Bayless, spécialiste de l’infiltration, dynamique et intelligent, qui demeure l’un de mes meilleurs amis.
    Et quel travail ! Pendant les années qui s’écoulèrent entre la fusillade et l’été 2001, j’ai fait et vu des choses que les personnes ordinaires ne font et ne voient jamais. Il m’est encore arrivé d’essuyer des coups de feu, on a braqué une arme sur mon visage un nombre incalculable de fois, j’ai acheté et vendu des tonnes de drogue, j’ai effectué des centaines d’arrestations. J’ai infiltré les gangs afro-américains et la mafia italienne avec Chris, la Fraternité aryenne avec l’agent spécial Louis Quiñonez et
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