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Néron

Néron

Titel: Néron
Autoren: Max Gallo
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corps, son ventre proéminent sur lequel il croisait les mains, exprimant sa vanité.
    — Les Grecs sont les seuls auditeurs dignes de Néron et de son art. Soyez dignes de votre empereur ! ajouta-t-il, employant une nouvelle fois ce mot qu’il avait volé à ses victimes.
     

 
     
47
    J’ai su que je n’allais plus longtemps donner le change.
    Je côtoyais Néron chaque jour et je le découvrais plus monstrueux, plus fou et plus grotesque encore que je ne l’avais imaginé.
     
    Je l’entendis dire à Tigellin qu’il fallait envoyer ses médecins pour soigner ce centurion de l’armée de Corbulon qui venait d’arriver de Corcyre et qui s’inquiétait, au nom des légions, du sort réservé à leur général.
    Je compris que la tâche des médecins était d’ouvrir les veines de ceux qui tardaient à mourir.
    C’était cela, « soigner », selon Néron.
     
    Je l’écoutais lorsque, avant un concours de chant ou une course de chars, il s’adressait humblement aux juges.
    — J’ai fait tout mon possible, disait-il, mais le succès est entre les mains de la Fortune. N’oubliez pas, dans votre sagesse et votre compétence, ce qui tient au hasard.
    Les juges s’inclinaient et le rassuraient.
    Néron s’élançait, prenant les rênes d’un attelage de dix chevaux, alors qu’il avait condamné dans un poème le roi Mithridate qui avait succombé à la même démesure.
    J’étais dans les gradins, entouré par les Augustiani, guetté par les délateurs de Tigellin ou de Sabinus, par tous ceux qui savaient que l’on récompensait les dénonciateurs.
    Je feignais donc d’applaudir, mais, malgré le mouvement de mes bras, mes mains ne claquaient pas, et, si ma bouche s’ouvrait, aucun son n’en sortait.
     
    Ma lâcheté m’accablait. Elle pesait sur ma nuque et mes épaules, et je me contraignais cependant à mimer l’enthousiasme jusqu’à la nausée.
    Puis il me fallait me joindre aux débauchés qui, lorsque Néron avait quitté la scène ou la piste du cirque, participaient à ses banquets qui duraient au-delà de l’aube.
    L’intendante des plaisirs, Calvina Crispinilla, passait entre les corps nus des jeunes Grecs conviés à surprendre, à distraire, à faire jouir le divin Néron, fils d’Apollon.
    Il était entouré de ses épouses Statilia Messalina et Sporus l’émasculé qui, fardé comme l’avait été Poppée, ressemblait à la défunte impératrice.
    Des courtisanes, des éphèbes, Pythagoras, le « mari » de Néron, lui caressaient la poitrine et les cuisses.
    Puis venait le temps des accouplements, ceux dont Pétrone avait écrit, avant de mourir, qu’ils étaient « inédits ».
     
    Je tentais de me glisser hors de ces salles où l’odeur âcre des corps se mêlait à celle des parfums déversés.
    Je marchais en titubant de fatigue vers le rivage.
    Le soleil se levait, m’éblouissait.
    La mer respirait calmement, alanguie, s’étirant à chacun de ses soupirs sur les galets.
    Parfois je la pénétrais et le désir me prenait de m’enfoncer en elle pour que son étreinte me purifie.
    J’invoquais ce dieu Christos pour qu’il me prenne.
    Puis je quittais les vagues, persuadé que je ne pouvais plus continuer de vivre ainsi.
    Était-ce vivre que d’obéir à un tyran ? que de participer à ses débauches, d’applaudir à ses mensonges ? et de trahir ainsi ceux qu’il avait tués ?
    Je sais que je n’aurais pas survécu si j’avais dû, durant des mois encore, continuer de m’enfouir chaque jour davantage dans cette agonie à quoi se réduisait désormais ma vie.
     
    Un jour, alors que nous revenions de Corinthe, où Néron, sous les acclamations, avait annoncé sa décision de faire creuser, dans l’isthme un canal, qui rapprocherait Rome de l’Orient, j’ai entendu Tigellin parler de la Judée, du peuple juif qui se rebellait. Les troupes romaines du procurateur de Judée, Gessius Florus, et celles, venus à leur secours, du gouverneur de Syrie, Cestius Gallus, avaient été battues.
    Tigellin paraissait inquiet.
    Les Juifs s’étaient emparés des forteresses. Les plus fanatiques d’entre eux étaient les maîtres de Jérusalem où se trouvait le Temple de leur religion.
    Ils avaient massacré les soldats romains qui s’étaient rendus après qu’on leur eut promis la vie sauve. Un seul Romain, le centurion Metilius, qui commandait une cohorte, avait été épargné, ayant accepté d’être circoncis.
    Jérusalem, a rappelé Tigellin,
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