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Morgennes

Morgennes

Titel: Morgennes
Autoren: David Camus
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entendu parler de Lui…
    — Je ne suis pas un oiseau. Et vous, quelle sorte d’homme êtes-vous donc, qui met ses pas dans ceux d’une petite poule, et franchit un pont que j’ai mis des années à bâtir, le jour même où je l’ai terminé ?
    — Qui je suis ?
    Je lâchai un profond soupir.
    Que sait-on de moi ? Pas grand-chose.
    Pour résumer, voici ce que l’Histoire a retenu de ma personne. On dit que je suis né vers l’an de grâce 1135, mais on ne sait pas où. Certains disent à Troyes, d’autres à Arras… Flandre et Champagne sont mes régions de prédilection, même s’il est raconté ici ou là que j’ai beaucoup voyagé – en Angleterre, en Terre sainte, en Allemagne, à Byzance, voire dans d’autres contrées, que la raison se refuse à nommer. Voilà, en gros, pour mes origines. De ma mort je ne parlerai pas, car ce n’est ni l’heure ni le lieu ; quant au mitan de ma vie, il sera exposé dans les pages qui suivent, bien qu’il n’en soit pas non plus le sujet, mais l’ornement – ou le fourreau, si cette métaphore vous agrée mieux. Mon nom, enfin. De lui, personne n’est certain – même si Chrétien est avéré, puisque « Chrétien » mes contes sont signés.
    Mais suis-je aussi Saint-Loup de Troyes, le chanoine ? Et Chrétien li Gois, l’auteur de Philomena  ?
    Peut-être. Peut-être pas. À vrai dire, ce n’est pas important. Ce qui compte, c’est ma rencontre avec Morgennes. D’une certaine façon, c’était un signe. Celui que Dieu m’envoyait pour me dire : « Vois comme il est, lui ! » Et en effet, j’avais devant moi un adolescent mille fois plus courageux que celui que j’avais été – mille fois plus courageux, en vérité, que l’homme que j’étais. M’occuper de lui, le prendre sous mon aile, c’était peut-être la raison de ma venue en cette contrée. De toute façon, je n’allais pas abandonner la première et la dernière de mes ouailles. Aussi lui proposai-je de m’accompagner à Saint-Pierre de Beauvais.
    Morgennes, dont le ventre criait famine, ne me répondit pas immédiatement. À la place, il alla chercher dans un coin de sa clairière une poignée de mousses et de champignons, et m’invita à les partager avec lui.
    Mordant, non sans appréhension, dans la chair crue de ce qui ressemblait à un bolet, je lui proposai :
    — Si vous m’accompagnez à Beauvais, vous pourrez manger du fromage, et du pain… Nous avons aussi du poisson, et parfois de la viande.
    — Et des poules ?
    — Oui. Mais celle-ci n’est pas à manger, ajoutai-je en suivant son regard fixé sur ma poule.
    — Pourquoi ?
    — C’est une poule spéciale. Elle s’appelle Galline… Enfin, vous pourrez consulter nos archives, et en apprendre plus sur ce pont.
    — Vos archives ?
    — Oui. Nous avons l’une des plus belles bibliothèques de la région. Elle compte près d’une centaine d’ouvrages !
    — Je ne sais pas lire…
    — Je vous apprendrai.
    — Pourquoi faites-vous tout ça ?
    Là, je me levai pour lui dire :
    — Dieu vous a placé sur ma route. Sans Lui, vous n’auriez jamais pu bâtir ce pont, grâce auquel j’ai pu traverser… Ne voyez-vous pas l’ironie de la chose ?
    — Non.
    — Si vous n’aviez pas démoli cette église, je n’aurais jamais pu franchir ce fleuve. Elle n’aurait donc servi à rien puisque aucun curé ne serait venu l’animer. Mais vous l’avez déconstruite. Ainsi, grâce à vous, j’ai pu traverser dès le premier jour de mon arrivée ! Mais il n’y avait plus d’église ! Dans les deux cas, je repartais à Beauvais. Sauf que dans le premier, j’y serais retourné seul, après des années d’errance passées à chercher un pont qui n’existait pas.
    Morgennes secoua la tête de droite et de gauche, d’un air dubitatif.
    — Non, non, me dit-il. Ce n’est pas pour vous que je l’ai fait. Je l’ai fait pour moi… Pour mes parents, pour qu’ils puissent traverser, et être sauvés eux aussi…
    — Je ne comprends pas. Je croyais qu’ils étaient morts ?
    Morgennes me raconta son histoire. J’en eus le sang glacé. Il était trop facile de reconnaître dans les exactions de ces cavaliers l’un des nombreux exemples des expéditions punitives que les croisés menaient contre les juifs, afin de s’échauffer le sang, avant de passer Oultremer.
    Morgennes était-il juif ?
    Je n’osai lui poser la question, et il me proposa :
    — J’ai aussi des racines, si vous
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