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Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin

Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin

Titel: Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin
Autoren: Jan Karski
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alors pour être remplacé par un visage neuf, car il fallait continuer, et proposa son cher ami Lerski – le courrier « Jur » qui venait de rentrer à London de Pologne. Mais il ignorait que Lerski s’opposait publiquement au « réalisme » du Premier ministre quand lui, Karski, s’imposait « la ligne du gouvernement » : loyalisme rigoureux, sens de l’État. Au point qu’à London, certains l’accusèrent de « philosoviétisme », ce qui lui fit très mal. Quand il l’a appris, écrit-il, il n’en a pas dormi des nuits durant. En effet, Karski était loin d’être un « irréductible », car il avait un sens aigu de la nécessité de préserver « au pays » la substance biologique de sa nation. Nowak-Jezioranski, cet autre « courrier de Warszawa », relata qu’à leur dernière rencontre de guerre, à London, en janvier 1944, avant le départ de Karski pour les États-Unis, celui-ci déclara : « En réalité, la Pologne a déjà perdu la guerre à Téhéran. Plutôt que de s’aveugler de leurs vœux pieux, nos dirigeants devraient réfléchir ensemble à comment perdre cette guerre. […] Comment préparer la population et la protéger au mieux contre ce qui l’attend » (Nowak-Jezioranski, Courrier de Warszawa, Paris, Gallimard, 1978, p. 251).
    Le 5 juillet 1945, les États-Unis et la Grande Bretagne retirèrent leur reconnaissance au gouvernement polonais en exil pour nouer des relations officielles avec le gouvernement de Warszawa, dominé par les protégés de Staline (la France l’avait fait dès le 29 juin). Le choc fut pour Karski amorti dans un premier temps par sa dernière mission de quatre mois (juillet-octobre 1945), confiée cette fois par les Américains : il retourna en Europe convaincre les gouvernements en exil et leurs différentes institutions de déposer leurs archives et documents sur la Deuxième Guerre mondiale à l’institut Hoover, créé auprès de l’université de Stanford, en Californie. Entre London, Paris et Roma, Karski réussit pleinement auprès des Polonais évidemment, mais aussi des Lettons, Estoniens et Lituaniens.
    À son retour aux États-Unis, il constata qu’il était déjà totalement oublié : un anonyme, un émigré européen parmi tant d’autres… « Je haïssais alors le monde, et voulus m’en isoler » : oublier, oublier l’enfer de la guerre, ne plus jamais en parler avec personne, ne plus évoquer pour personne ce qu’il avait vu de la tragédie des Juifs. Pour la commodité des services de l’immigration, il renonça à reprendre son patronyme de Kozielewski et demeura Jan Karski.
    Il tenta de retrouver la normalité en fondant une famille : ce fut après deux ans une union dissoute par un divorce. Il avait réussi à faire exfiltrer de Pologne son cher aîné, Marian, et son épouse, Jadwiga. En 1949, il investit ses dernières économies conservées des revenus du livre dans une petite ferme au Canada, près de Montréal, pour les installer en attendant qu’ils puissent entrer aux États-Unis.
    La carrière diplomatique qu’il espéra un temps reprendre se révéla inaccessible : au Département d’État, parce qu’il était originaire d’un pays sous contrôle communiste, il resterait un subalterne, et une carrière à l’ ONU passait par l’allégeance au régime de Warszawa, ce qu’il excluait.
    Il ne restait plus, comme pour beaucoup, que l’Université et ses enseignements. Le recteur Edmund Walsh, de la section diplomatique de l’Université jésuite de Georgetown à Washington, l’accueillit avec chaleur et autorité paternelle : il lui offrit une bourse de doctorat en sciences politiques. Le doctorat obtenu en 1952, il lui donna un poste : Jan Karski se lia avec Georgetown University pour plus de trente ans d’activité professionnelle.
    En 1954 il devint citoyen américain et s’efforça d’être uniquement un universitaire compétent : le professeur Jan Karski. Son anticommunisme très documenté était connu et utilisé par l’administration américaine pour de nombreuses expertises et missions. Pendant près de vingt ans, il dirigea son propre programme de formation pour le Pentagone et accomplit de multiples missions en tournées de conférences pour le State Department en Asie, en Afrique et au Moyen-Orient. En dehors du recteur Walsh, qu’il avait connu en 1943 lors de sa première mission, ses collègues et ses étudiants à l’université de Georgetown ignoraient son
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