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Mon frère le vent

Mon frère le vent

Titel: Mon frère le vent
Autoren: Sue Harrison
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voix, dont les intonations ressemblaient aux accents d'un chant funèbre, se brisa.
    Trois Poissons la dévisageait sans comprendre.
    — Amgigh est incapable de lutter contre lui, chuchota Kiin.
    Le Corbeau était trop fort, trop rusé.
    Amgigh mourrait si Kiin n'accompagnait pas le Corbeau. Et qu'arriverait-il à ses fils si elle retournait chez les hommes Morses ? L'un d'eux mourrait. Femme du Ciel et Femme du Soleil — ces deux vieilles que l'on appelait Grand-mère et Tante — parleraient de la malédiction des jumeaux à tout le village.
    « Nul enfant ne peut apporter la mort à un village, déclara l'esprit de Kiin avec colère. Femme du Soleil et Femme du Ciel ne connaissent que la peur. »
    Mes fils sont bons, pensa Kiin. Ils ne portent aucune malédiction. Mais, comme ils sont jumeaux et que mon frère Qakan s'est servi de moi comme d'une épouse alors qu'ils étaient en mon sein, le peuple Morse les croit maudits. Comment pourrais-je protéger mes deux bébés contre un village entier ?
    Kiin serra les lèvres et observa Trois Poissons qui parlait toujours à Takha, et dont le visage effleurait celui du petit. Ils se souriaient.
    À ce spectacle, la douleur l'étreignit. Kiin éleva ses pensées vers les esprits du vent, vers les esprits des montagnes qui protégeaient la plage des Commerçants.
    — Je serai satisfaite d'être l'épouse d'Amgigh, leur dit-elle. Laissez-le simplement vivre.
    Elle saisit l'amulette qui pendait à son cou. Si lui et mes enfants sont en sécurité, songea-t-elle, je ne demanderai pas davantage.
    Elle rampa pour s'asseoir à côté de Trois Poissons.
    — Nos maris, Amgigh et Samig, sont frères, dit Kiin, tout comme mes bébés, Takha et Shuku, sont frères.
    — Oui.
    — Je dois aller sur la plage, maintenant. Mais il vaut mieux que tu restes ici avec Takha. Empêche-le de pleurer aussi longtemps que possible. S'il dort, c'est bien. S'il pleure trop fort, emmène-le chez Baie Rouge, la sœur de Samig. Elle a du lait, elle le nourrira.
    Alors, Kiin dénoua la ficelle de babiche au bout de laquelle pendait la figurine que Chagak, la mère de Samig, lui avait donnée, et la tendit à Trois Poissons.
    — C'est pour toi, un cadeau.
    Trois Poissons ouvrit sa main sur le pendentif représentant un homme, une femme et un enfant.
    — Samig m'en a parlé. C'est le grand chaman Shu-ganan qui l'a sculptée. Je ne peux pas l'accepter.
    — Il le faut. Nous sommes sœurs. Tu ne peux refuser mon cadeau. Celle qui porte cette statuette reçoit le don d'être une bonne mère.
    Trois Poissons demeura un moment immobile puis noua la ficelle de babiche autour de son cou. Elle serra l'amulette entre ses mains.
    Kiin déballa le petit ikyak qu'elle avait taillé dans une défense de morse au cours de cette longue nuit où le sommeil refusait de venir. Après avoir achevé son travail, elle avait coupé l'ikyak en deux. Femme du Soleil n'avait-elle pas dit que puisqu'ils étaient jumeaux, les fils de Kiin partageaient un seul esprit et devaient donc vivre comme un seul homme ? Femme du Ciel n'avait-elle pas dit à Kiin que Shuku et Takha devaient partager un seul ikyak, une seule demeure, une seule femme ? Un jour, Kiin sculpterait aussi une demeure et une femme et en donnerait la moitié à chacun de ses fils. Avec ses figurines, ils pourraient vivre sans la malédiction de leur gémellité, chacun bâtissant sa propre vie d'homme.
    Elle noua les moitiés d'ikyak à deux cordelettes de nerf tressé et en suspendit une au cou de Takha et l'autre au cou de Shuku.
    — Cela est ma bénédiction à mes enfants, dit-elle à Trois Poissons.
    Takha s'empara de l'ikyak et le porta à sa bouche. Shuku dormait.
    Kiin contempla un moment ses fils puis elle se détourna pour enrouler ses peaux de couchage.
    — Pourquoi vas-tu sur la plage ? s'enquit Trois Poissons. Amgigh nous a ordonné de rester ici.
    — Il le faut.
    Kiin s'installa de nouveau près de Trois Poissons. Elle tendit la main pour caresser la joue de Takha. Le bébé tourna le visage vers sa main et ouvrit la bouche.
    — Pendant mon absence, tu dois être la mère de Takha, reprit-elle. Il est fils d'Amgigh mais aussi de Samig. Tu vois, dit-elle en prenant les mains de Takha dans les siennes et en écartant ses doigts, il a les larges mains de Samig. Et ses cheveux épais, ajouta-t-elle en lui caressant le dessus du crâne.
    Trois Poissons souleva le bébé et l'étendit contre sa poitrine, posant sa tête sous son
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