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Mon frère le vent

Mon frère le vent

Titel: Mon frère le vent
Autoren: Sue Harrison
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où se dressait le monticule de l'ulaq de Samig, elle murmura les mêmes paroles au vent de la nuit.
    Qui sait ? Peut-être le vent portait-il ses paroles à Samig. Peut-être un jour lui rapporterait-il celles de Samig ?
    3
    Kiin guida la tête de son fils vers sa poitrine. Il en attira le bout contre sa bouche et téta, causant une minuscule douleur puis le flot de lait. Le corps de Shuku se détendit contre sa mère.
    Bien qu'un chant de deuil l'ait envahie dès son réveil, Kiin avait gardé ces mots en elle jusqu'à ce qu'ils aient lancé l'ik. Maintenant, le chant emplissait sa bouche. Elle chanta. Elle se berçait et son balancement se joignit au rythme de la pagaie du Corbeau et du renflement des vagues.
    — J'espère que tu pleures notre fils, lui lança le Corbeau.
    La colère surgit, violente, et Kiin se tourna vers l'homme.
    — Tu me dirais de pleurer? cracha-t-elle. Toi qui aurais permis à deux vieillards de tuer nos fils. Tu me dirais de me lamenter ?
    Le capuchon du chigadax du Corbeau recouvrait ses cheveux noirs et la visière de bois, qu'il portait pour se protéger de la lumière éblouissante et de l'écume cachait ses yeux. Pourtant, Kiin vit sa mâchoire se crisper.
    — Notre fils Takha est mort, rétorqua le Corbeau. C'est toi qui l'as donné aux esprits du vent !
    Kiin serra les dents pour empêcher les mots de sortir.
    — Pourquoi es-tu partie avec ton frère ? demanda l'homme. Il t'a volée à ton père. Il a voulu te vendre comme esclave. Pourquoi le croire après tout ce qu'il t'a fait subir ? Je t'avais dit que je te laisserais retourner chez les Premiers Hommes si tu me donnais Shuku et Takha. Mais tu as préféré tuer Takha. Maintenant, tu as perdu un fils et un mari. As-tu aussi aidé ton frère à tuer ma Cheveux Jaunes ?
    La colère de Kiin emplit le vide laissé par le chagrin.
    — Tu allais tuer mes fils. Tu avais choisi de croire Grand-mère et Tante. Tu avais décidé que ton pouvoir ne faisait pas le poids contre leur malédiction. Tu n'es pas un chaman !
    — Tu es une idiote, Kiin ! Pourquoi voudrais-je tuer nos fils ? Je suis un chaman, j'ai besoin de leur pouvoir.
    — Tu vois ! s'exclama Kiin en étreignant Shuku. Tout ce qui t'intéresse chez eux, c'est pour toi, pour ton pouvoir. Quand Grand-mère et Tante t'ont fait croire que mes enfants pouvaient porter malheur à notre demeure...
    — Qui t'a dit que je voulais tuer nos fils ?
    — Mon frère Qakan.
    Le Corbeau fit une grimace.
    — Quand a-t-il jamais dit la vérité ? railla-t-il. Si un homme se sert de sa sœur comme d'une femme, peut-il faire autre chose que mentir ?
    Les mots du Corbeau enveloppèrent Kiin avec la densité du brouillard. Ainsi, le Corbeau savait, il savait que Qakan l'avait forcée. Peut-être était-ce pour cette raison qu'il n'avait jamais emmené Kiin dans son lit même s'il l'appelait sa femme.
    Kiin serra les poings.
    — Il a dit la vérité pour sauver ses fils.
    Elle avait parlé avec un tel calme que le Corbeau se pencha et cessa de pagayer.
    — Il croyait que les bébés étaient les siens ?
    — Oui.
    Le Corbeau plongea sa rame dans l'eau et se tut longuement.
    Finalement, Kiin poursuivit.
    — Je ne savais pas que Qakan avait tué Cheveux Jaunes. Je n'ai appris sa mort qu'au moment où je vous ai vus, Qakan et toi, vous battre sur la plage ; au moment où tu l'accusais alors qu'il était en train de mourir.
    — Tu étais sur cette plage ?
    La peine serra la gorge de Kiin. Si le Corbeau l'avait trouvée, il l'aurait remmenée chez les Chasseurs de Morses, il n'y aurait pas eu de combat sur la plage des Commerçants et Amgigh serait encore en vie.
    Puis son esprit chuchota : « Mais peut-être un de tes fils serait-il mort. »
    — Ainsi, tu as cru Qakan, s'étonna le Corbeau. Mais si tu m'as laissé afin de sauver nos fils, pourquoi avoir donné Takha au vent ?
    — Son esprit est avec son propre peuple, avec les Premiers Hommes. Il n'appartient pas aux Chasseurs de Morses. J'ai sauvé un fils. Et si Grand-mère et Tante ont raison, si leurs visions et leurs rêves sont vrais, mon peuple n'a nulle malédiction à craindre ; le tien non plus.
    Le Corbeau se contenta de grogner puis pointa le menton en direction de la pagaie au fond de l'ik. Kiin s'en empara, se retourna et la plongea dans l'eau.
    — Sois reconnaissante que je ne t'aie pas laissée avec le chasseur Premiers Hommes Samig, commenta le Corbeau. La blessure qu'il porte — j'en ai vu de semblables
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