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Mon frère le vent

Mon frère le vent

Titel: Mon frère le vent
Autoren: Sue Harrison
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médecine.
    — D'accord. Allons-y maintenant.
    Mais Trois Poissons n'esquissa pas le moindre geste en direction du rabat de la porte.
    — Il y avait un marchand qui cherchait quelque chose pour soigner ses yeux, dit-elle. Si je fabrique un onguent avec des tiges de canneberge, il l'échangera peut-être contre de la viande ou de l'huile.
    — Oui, approuva Kiin, c'est une idée.
    Mais Trois Poissons continuait de parler, évoquant les remèdes que sa mère confectionnait avec de l'épi-lobe, des racines d'ugyuun ou des bulbes de pourpier qui poussaient si bien sur l'île des Chasseurs de Baleines.
    Tout en écoutant, Kiin sentit sa gorge se serrer. Cette femme était l'épouse de Samig. Cette femme s'était blottie dans les bras de Samig, elle avait partagé son lit.
    Pourtant, une voix en Kiin murmura : « Toute une nuit tu as eu la joie de Samig. Sois-en heureuse. »
    Et j'ai Takha, songea-t-elle. Grâce à cette nuit, j'ai Takha, ce fils qui ressemble tant à son père. Elle posa les mains sur la bosse du suk de fourrure, là où l'enfant dormait, maintenu contre sa poitrine par une bandoulière. Elle déplaça la main vers Shuku, son autre fils, jumeau de Takha — lui aussi sanglé contre son sein.
    « Mais n'oublie pas, reprit la voix intérieure, Amgigh est ton époux. »
    Oui. Amgigh. C'est un bon mari. Quelle femme désirerait plus ? Et puis Amgigh m'a donné Shuku. Qui, voyant Shuku, douterait qu'il soit le fils d'Amgigh ?
    « Amgigh t'a également donné la nuit que tu as pas-sée avec Samig, lui rappela son esprit. C'était son choix de te partager avec son frère. »
    — Je suis heureuse d'être la femme d'Amgigh, fit remarquer Kiin. Tu le sais bien.
    « Qui peut expliquer la différence entre ce qui est choisi par l'esprit et ce qui est décidé par le cœur? rétorqua la voix. Les mots ne sont pas des liens de varech. Ils sont incapables d'attacher la douleur en petits paquets bien nets à remiser dans une cache comme de la nourriture. »
    Kiin enserra ses genoux de ses bras, pressant Takha et Shuku entre sa poitrine et ses jambes. Trois Poissons parlait toujours, les mots s'écoulant au rythme régulier du vent. Kiin ferma les yeux dans l'espoir de songer à autre chose qu'aux époux et aux bébés, à autre chose que la pluie et la voix tonitruante de Trois Poissons. Mais les pensées qui lui vinrent étaient pleines d'inquiétude et, curieusement, ses pieds et ses mains ne tenaient plus en place.
    « Ceci est un abri, murmura son esprit. Les murs sont trop rapprochés et la lumière de la lampe, trop faible. Tourne ton esprit vers le ciel et la mer, vers les hautes montagnes et les hautes herbes. »
    Puis il y eut une pause dans le bavardage incessant de Trois Poissons et Kiin comprit que la femme lui avait posé une question. Kiin préférait-elle coudre les peaux d'oiseau ou les peaux de phoque ?
    Quelle importance ? pensa Kiin.
    — Les peaux d'oiseau, répondit-elle, machinalement.
    — Ah bon ? s'étonna Trois Poissons. Elles se déchirent si facilement et il en faut tellement pour fabriquer un suk.
    — Tu as raison, concéda Kiin tout en priant pour que la jeune femme s'arrêtât de parler.
    Kiin extirpa Takha de sa sangle. Peut-être, si Trois Poissons le portait, se calmerait-elle.
    Kiin enveloppa le bébé dans une fourrure sèche puis tendit l'enfant à Trois Poissons. Celui-ci ouvrit les yeux,
    regarda solennellement Kiin puis tourna la tête vers Trois Poissons en souriant. La jeune femme éclata de rire et se remit à babiller, pour l'enfant, cette fois.
    Kiin soupira et posa les yeux sur Shuku qui dormait, blotti à l'intérieur de son suk. Soudain, elle entendit.
    — Ton père se battra et tu seras en sécurité. Ne t'inquiète pas. Il est fort.
    Kiin sortit du lit et saisit Trois Poissons par les deux bras.
    — Qu'as-tu dit ?
    — Seulement ce qu'Amgigh m'a expliqué : que nous devions rester ici parce qu'il y a des hommes sur la plage qui veulent acheter des femmes.
    Le cœur de Kiin s'affola.
    — Et Amgigh va se battre contre eux ?
    Trois Poissons se libéra et se recroquevilla contre le mur humide de leur abri.
    — Il a dit : peut-être. Tout ce que je sais, c'est qu'il en a vu un vêtu d'une couverture noire. Même son visage était noir. Je crois que Samig et Amgigh avaient peur qu'ils ne nous veuillent.
    — Le Corbeau, murmura Kiin. Mon frère Qakan m'a vendue à lui. J'étais son épouse au village des Chasseurs de Morses. Il est venu me chercher.
    Sa
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