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Milena

Milena

Titel: Milena
Autoren: Margarete Buber-Neumann
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si
Treite, qui n’avait qu’un grade subalterne dans la Waffen SS, aurait pu faire
pression sur le commandant du camp pour obtenir gain de cause.
    Milena fit la connaissance du D r Treite à l’infirmerie
et il la traita avec une prévenance particulière. Il lui inspira confiance en
lui indiquant qu’il avait assisté aux cours du Pr Jan Jesensky pendant ses
études à Prague. Treite transféra sur la fille la considération qu’il avait
pour le père. Milena lui parla de ses maux. Il l’examina et établit qu’elle
avait un abcès à l’un des reins et qu’elle ne pourrait s’en tirer qu’au prix d’une
opération. Milena opta pour cette ultime chance de conserver la vie – elle aimait
tant la vie. En janvier 1944, on l’admit à l’infirmerie, et Treite fit une
transfusion de sang. Lorsque je lui rendis visite, à midi, elle me montra ses
mains, transportée de bonheur : « Elles sont toutes roses, comme
celles d’une personne en bonne santé… » Au cours de l’opération, elle se
réveilla, et, s’adressant à Treite, lui demanda de lui montrer le rein. Le
médecin obéit, puis on l’endormit à nouveau.
    Pendant l’interruption de midi, je me précipitai à l’infirmerie,
le cœur serré, entrai dans la chambre où elle était couchée, muette et pâle
comme une morte. Encore sous l’effet de l’anesthésie, Milena se mit à parler d’un
ton pathétique et solennel, récitant le Pater noster en tchèque.
    Elle survécut à l’opération, se rétablit, même. Sa volonté
de vivre se réveilla ; elle croyait à sa guérison. Une fois encore, elle
devint pour les six agonisantes qui partageaient sa chambre « maman Milena »,
celle dont la seule présence insufflait de nouvelles forces aux autres. Elle
reçut un paquet de son père. Milena prépara des friandises pour tout le monde, les
distribua, créant dans cette chambre triste une ambiance de festin. Il y avait
en face d’elle une jeune Française, presque une enfant encore, dont le cas
était désespéré. La nourriture du camp la dégoûtait. Et voici qu’elle regardait
avec ravissement les tartines préparées par Milena ; puis elle mangea un
peu de ces délices dont elle avait été privée pendant des années et, débordante
d’enthousiasme, se mit à chanter : « Allons, enfants de la patrie… »,
et toutes de reprendre en chœur…
    Quatre mois durant, mes journées se réduisirent aux brefs
quarts d’heure que je passais auprès de Milena couchée sur son lit de malade. Avant
même l’appel du matin, alors que tout était encore sombre, je courais avec mon
petit déjeuner à l’infirmerie ; à midi, je me précipitais vers une baraque
éloignée du camp auprès d’une Blockälteste tchèque afin de réchauffer
quelque chose, puis j’allais m’asseoir auprès d’elle, manifestant une confiance
sans faille, ne trahissant rien des tourments qu’endurait mon cœur. Il m’était,
bien entendu, interdit de mettre les pieds à l’infirmerie, mais tout se passait
comme si je jouissais d’une protection particulière, rien ne pouvait m’arriver.
    Un jour, Milena rassembla son courage, se leva et, traversant
les couloirs de l’infirmerie, se rendit à son bureau ; elle voulait
simplement s’asseoir à sa table et apercevoir la liberté à travers les barreaux
de la porte du camp.
    Mais ce ne fut qu’une brève rémission. Elle perdit bientôt
la force de se lever de son lit. De sa couchette, elle voyait un petit morceau
de ciel où passaient, parfois, des nuages aux formes agréables, mais aussi, de
plus en plus souvent, menaçantes et de mauvais augure. Vera Papousková offrit à
Milena des cartes qu’elle avait confectionnées elle-même, de véritables petites
œuvres d’art. Nous nous efforcions, en jouant avec elles, de chasser les
pensées angoissantes qui nous tenaillaient. Un jour, des bribes de chansons
pénétrèrent dans la chambre calme. C’étaient les détenues qui chantaient en
marchant au pas : « Dans mon pays fleurissent les roses… Je voudrais
rentrer au pays… » Milena se cacha le visage dans les mains et se mit à verser
des larmes amères.
    En avril, l’autre rein fut atteint. Il n’y avait dès lors
plus de salut. J’implorais, dans mon désespoir, l’aide du Ciel, je priais le
soleil et les étoiles, mais en vain. Plus son état était désespéré, et plus
Milena croyait à la guérison. Ce n’est que dans les derniers jours qu’elle sut
ce qu’il en était :
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