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Milena

Milena

Titel: Milena
Autoren: Margarete Buber-Neumann
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tchèque, une journaliste. Elle
parlait avec un léger accent, mais pas comme une étrangère, sa maîtrise de l’allemand
était parfaite et la richesse de son vocabulaire, sa capacité d’expression m’enthousiasmèrent
dès ces brèves dix minutes au cours desquelles nous fîmes connaissance.
    Nous échangeâmes encore quelques paroles pour prendre congé,
nous dîmes au revoir et je courus vers ma baraque, ne sachant trop ce qui m’était
arrivé. Je demeurai pour le restant de la journée sourde et aveugle à tout ce
qui se déroulait autour de moi. Le nom « Milena » m’envahissait
totalement, je me grisais de son harmonie.
    Ne peut comprendre la violence de mes sentiments que celui
qui, un jour, s’est senti absolument seul parmi une foule – et de surcroît dans
un camp de concentration. C’est au début du mois d’août 1940 que j’avais été
déportée à Ravensbrück. J’avais derrière moi les années de terreur vécues en
Union soviétique : arrêtée par le NKVD à Moscou, condamnée à cinq ans de
travaux forcés, j’avais été déportée au camp de concentration de Karaganda, au
Kazakhstan, puis livrée par la police politique soviétique aux Allemands en
1940. Interrogée pendant des mois par la Gestapo à Berlin, je m’étais
finalement retrouvée dans un camp de concentration allemand. Dès le troisième
jour de mon arrivée à Ravensbrück, les détenues communistes me firent subir un
interrogatoire ; elles savaient que j’étais la compagne de Heinz Neumann * et que je ne faisais
pas mystère des expériences amères que nous avions faites en Union soviétique. Après
l’interrogatoire, elles me collèrent l’étiquette de « traître », affirmant
que je répandais des mensonges sur l’Union soviétique.
    Les communistes exerçant une influence déterminante parmi
les détenues de Ravensbrück, l’ostracisme dont elles me frappèrent eut l’effet
escompté : les politiques en compagnie desquelles je me trouvais m’évitaient
comme si j’étais porteuse de quelque maladie contagieuse.
    Ce fut donc une Tchèque, Milena Jesenská, qui, la première, brisa
cet ostracisme : non seulement elle me parla, mais elle m’accorda sa
confiance, elle crut en moi. Je remercie le sort de m’avoir conduite à
Ravensbrück car j’y ai rencontré Milena.
    Ravensbrück se trouve dans le Mecklembourg, à 80 kilomètres
au nord de Berlin. En 1940, la Gestapo y avait enfermé environ cinq mille
femmes : détenues politiques, Juives, Tziganes, criminelles et asociales. À
la fin de la guerre, environ vingt-cinq mille femmes étaient incarcérées à
Ravensbrück. Au début, il y avait dans le camp seize baraques construites à
même le sol ; au fil des années, leur nombre s’accrut ; il y en eut
jusqu’à trente-deux où s’entassaient ces femmes. Toutes celles que l’on avait
jetées dans ce camp, à l’exception des criminelles et des asociales, étaient
des ménagères, des mères, des jeunes filles – de caractères différents, certes,
mais parfaitement semblables à celles qui vivaient en liberté. La première
année, il y avait au camp relativement peu d’adversaires politiques déclarées
du régime, mis à part les détenues politiques allemandes, polonaises, tchèques
et les Témoins de Jéhovah. Leur nombre s’accrut par la suite, avec l’afflux de
femmes appartenant aux mouvements de résistance qui s’étaient développés dans
tous les pays occupés par Hitler.
    Les politiques s’adaptaient plus facilement à la vie au camp.
Elles avaient combattu, cela donnait un sens à leur sacrifice. Leur déportation
dans un camp de concentration confirmait à leurs yeux le danger qu’elles représentaient
pour le national-socialisme. Elle rehaussait l’opinion qu’elles se faisaient d’elles-mêmes.
Mais, dans leur masse, les détenues étaient des femmes innocentes, qui n’avaient
rien fait et ignoraient pourquoi elles se retrouvaient dans cette situation
horrible.
    Chaque détenue s’accrochait par toutes ses fibres, ses
pensées, à la vie à laquelle on l’avait arrachée, à ses enfants, à son mari, à
sa famille. C’est dans un état de profond désespoir que ces femmes étaient
traînées dans un camp de concentration, ignorant totalement pour combien de
temps. Elles subissaient un dressage militaire, n’avaient, ni le jour ni la
nuit, une minute à elles seules ; tout ce qu’elles faisaient, elles l’exécutaient
en présence de centaines
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