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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus
Autoren: Arlette Cousture
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s’assit dans le salon, un journal à la main. Il fit semblant de lire, n’ayant d’écoute que pour les sons qui lui provenaient de la chambre de Jerzy. Zofia vint s’asseoir elle aussi, les mains croisées sur le ventre, le visage blême et sans expression. Il était dix heures quand le silence prit possession de la maison. Tomasz se leva et, sur la pointe des pieds, alla jusqu’à la portede Jerzy. Il soupira en voyant que les lampes avaient été éteintes. Il retrouva Zofia et tenta faiblement de lui faire croire que le calme était revenu dans le cœur de leur fils. Ils allèrent se coucher et, chacun de son côté, feignirent le sommeil. Tomasz espéra que son fils s’inclinerait devant son autorité alors que Zofia se flattait le ventre, préférant s’accrocher à l’avenir plutôt qu’au présent trop déchirant.
    Jerzy se leva doucement et se glissa en chaussettes dans le couloir. Il ouvrit la porte de la chambre d’Élisabeth, s’approcha à tâtons de son lit, la secoua légèrement pour l’éveiller et lui annonça qu’il partait pour le front. Élisabeth se mit aussitôt à pleurer en silence, comprenant le chagrin de ses parents.
    – Je devrais être rentré pour Noël. Promets-moi que tu vas faire jouer mon violon de temps à autre. Je ne voudrais pas que le bois sèche trop.
    Élisabeth se pendait à son cou et il eut toutes les difficultés du monde à se défaire de son étreinte.
    Il alla ensuite éveiller Jan. C’est en embrassant son jeune frère que Jerzy eut le plus de difficulté à retenir ses sanglots. Son départ lui pesait soudainement très lourd et lui-même aurait eu envie de se faire bercer dans les bras d’un grand frère qui l’aurait éclairé le long des chemins tortus et torturants qu’il venait de choisir.
    Tomasz et Zofia crurent entendre le cliquètement que fit la poignée de la porte. Ils devinèrent un mouvement dans l’escalier. Tomasz se leva mais Zofia le retint, le cœur à l’affût. Le souffle coupé, elle ferma les yeux. Tomasz attendit cinq bonnes minutes avant de se diriger vers la fenêtre du salon, qu’il ouvrit. Il passala tête à l’extérieur et, ne voyant rien, alla aux fenêtres donnant sur la cour. Apercevant Jerzy qui emplissait un petit sac de terre, il sut que son fils quittait Cracovie et résista à la tentation d’ouvrir, se tenant caché derrière la tenture. Tomasz aurait voulu supplier Jerzy de rentrer mais sa douleur et sa peur étaient si intenses qu’il en fut incapable. Jerzy passa dans le couloir du rez-de-chaussée et Tomasz se précipita de nouveau vers la fenêtre du salon. Zofia y était déjà. Ils le virent apparaître devant la maison, marcher furtivement puis disparaître en direction des jardins Planty.
    – J’aurais dû lui dire que la vie est toujours devant et jamais derrière. Oh! Zofia, je tremble dans ma chair...
    Zofia regarda pleurer son mari. Ils n’eurent plus besoin de mots pour comprendre qu’ils avaient la certitude de ne plus jamais revoir leur fils.

5
    Tomasz s’acharnait à trouver une fréquence radio à travers la friture quand tout à coup, venue de nulle part, une voix annonça, haut et clair, que les Soviétiques venaient d’attaquer le pays par l’est. Tomasz ferma les yeux et mit sa main sur son cœur, craignant que Jerzy ait fait partie de l’étal où s’étaient approvisionnés les Soviétiques. Il se leva et alla trouver Zofia pour lui transmettre l’information.
    – Bientôt, nous ne vivrons plus dans un pays mais dans une passoire.
    Tomasz savait que Zofia n’osait parler de Jerzy. Toute la famille se remettait à peine du choc de son départ.
    – Zofia, tu peux dire ton chagrin. Notre situation est quand même moins pire que celle d’autres familles qui ont déjà enterré leurs fils.
    – Tu penses?
    Comme les Cracoviens qui avaient tacitement décidé de ne pas affronter les envahisseurs afin d’éviter à la ville les bombardements, Zofia se tourna vers Tomasz, son regard n’exprimant ni colère ni soumission. Tomasz espérait se tromper en y devinant une pointe de rancœur.
    Tomasz entendit M me Grabska frapper trois petits coups sur son plafond avec son balai. Il sut qu’onmontait chez lui. C’était la deuxième fois depuis le début des hostilités qu’il s’enfermait dans son bureau, entre le salon et la salle de musique de Zofia, avec des collègues de l’université pour chercher un moyen de faire rouvrir leur chère institution. Durant ces
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