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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus
Autoren: Arlette Cousture
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sonner la cinquième heure, les frontières furent déchirées et les bottes allemandes râpèrent les choux que les Polonais n’avaient pas encore eu le temps de cueillir.

4
    La porte heurta le mur si violemment que Tomasz sursauta, certain que toute une division venait de prendre sa maison d’assaut. C’était Jan qui, affolé, chercha refuge dans sa chambre. Inquiet, Tomasz alla le retrouver. Jan fouillait sous le lit, tirant des dizaines d’objets hétéroclites, le dernier étant son herbier.
    – Qu’est-ce que tu cherches, Jan?
    – Un vieux livre que tu m’as donné.
    – Un vieux livre?
    – Oui, un livre que tu avais quand tu étudiais et que tes cours étaient en allemand.
    Tomasz s’assit et tenta d’attirer Jan, qui lui échappa et se dirigea vers l’armoire, dont il ouvrit la porte. Il recommença ses recherches et Tomasz l’entendit enfin crier de joie.
    – Tu vois, je ne l’ai jamais jeté.
    Tomasz lui arracha le livre des mains et le feuilleta nerveusement.
    – Il faut que je sache l’allemand parce qu’ils viennent d’entrer dans la ville. C’est plein de soldats partout.
    Abasourdi, Tomasz mit quelques minutes à comprendre, puis il se dirigea à la hâte vers la fenêtre du salon mais le bruit de la marche au pas et le cliquetis des armes confirmaient les dires de son fils. Jan avait bien vu. Tomasz se mit à trembler sans être capable dese contrôler. Il regarda défiler les soldats et eut envie de les suivre pour connaître leur destination, mais ses jambes étaient complètement paralysées. Tomasz ne sut si c’était de peur – que connaissait-il des villes occupées? – ou de soulagement – les bombes épargneraient la ville. Tomasz retrouva enfin son souffle et ses jambes, interdit à Jan de sortir et partit à la recherche des trois autres. Il savait que Zofia et Élisabeth étaient quelque part au Grand Marché. Quant à Jerzy, s’il n’était pas dans les rues à suivre les militaires, il était peut-être au
Caveau
. À peine avait-il posé les pieds sur le trottoir que Jerzy arrivait à la course.
    – Ils s’installent au Wawel.
    – Pas étonnant. Quoi de mieux qu’un château?
    Tomasz demanda à Jerzy de retrouver sa mère et sa sœur et il remonta à l’appartement content de ne pas avoir à laisser Jan seul. Il retrouva celui-ci penché par la fenêtre, comptant les Allemands qu’il apercevait. Tomasz lui fit rentrer sa tête et ferma la fenêtre.
    – À partir d’aujourd’hui, Jan, tu ne fais rien qui risque de te distinguer des autres, tu entends?
    – Mais je n’ai rien fait, papa. Je les ai vus en sortant de l’école.
    – Je sais. Mais il faut que tu apprennes à avoir l’air d’un mur, ou d’une porte, ou d’un banc de parc. Tu entends?
    Jan eut peur de son père qui, apparemment, était très énervé par l’arrivée des Allemands. Quant à lui, il se demandait s’ils allaient utiliser leurs fusils mitrailleurs.
    – Écoute-moi bien, Jan. Je ne blague pas. C’est déjà extraordinaire que ton école ne soit pas fermée. Il faut que tu marches lentement sur les trottoirs et quetu cesses de crier. Le silence attire rarement l’attention.
    Son père avait l’air si sérieux que Jan eut un mouvement de recul. Il promit de devenir aussi grand que Jerzy.
    – Rien ne presse, Jan. Sois simplement sage.
    On aurait dit les rues de Cracovie muselées par la méfiance et la peur. Les Cracoviens ne cessaient d’attendre, jour après jour, un coup de force qui ne venait pas. Tomasz, comme tous les professeurs de l’«illustre université jagellonienne», se heurta à des portes verrouillées. Il en fut offusqué et fit des pressions auprès de son doyen pour que celui-ci à son tour convainque le recteur qu’il fallait réagir. Une université aussi renommée que la leur ne pouvait être bâillonnée.
    Quand Jerzy rentra, Tomasz usait sa colère sur les tapis du salon. En voyant son père, il eut un air si coupable que Tomasz en fut alerté.
    – Qu’est-ce que tu as fait?
    – Rien.
    Tomasz le dévisagea et Jerzy soutint son regard avec peine. Il s’assit et annonça, sans vacillement dans la voix, qu’il avait l’intention de marcher derrière les divisions polonaises qui allaient vers l’ouest pour repousser les Allemands.
    – Es-tu devenu fou, Jerzy?
    – Pas que je sache.
    – Partir au front à dix-sept ans...
    – Je ne pars pas au front, papa. Je marche derrière les armées.
    – Et tu penses que les obus vont faire la
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