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Mélancolie française

Mélancolie française

Titel: Mélancolie française
Autoren: Eric Zemmour
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des Polonais que la crise économique avait rendus chômeurs. Lors de la crise du pétrole, dans les années 1970, nous n’avons pas traité avec la même désinvolture les travailleurs étrangers licenciés des industries automobiles. Le président Giscard d’Estaing eut la velléité d’agir comme ses devanciers de la III e République. Il atermoya entre aide au départ, négociations avec les pays d’origine et renvois autoritaires. Rien de décisif. Politiquement, il se retrouva sous la surveillance « humanitariste » de la gauche mais aussi des démocrates-chrétiens et des gaullistes au sein même de sa majorité. Ce fut la grande bataille des années 1970 et 1980. Le président Giscard d’Estaing échoua à renvoyer une partie des immigrés devenus chômeurs, dont les experts de Matignon et des Finances y savaient qu’ils ne retrouveraient pas d’emploi. Ses successeurs, Jacques Chirac entre 1986 et 1988 puis les premiers ministres Rocard et Cresson ne firent pas mieux. Il fallut admettre que les droits de l’homme s’imposaient désormais à la souveraineté de l’État. Les expulsions collectives d’étrangers avaient été interdites par un protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. L’article 8 de cette convention sacralisait le « droit au respect de sa vie privée et familiale », et poussait les gouvernements à encourager un regroupement familial alors même qu’on fermait officiellement le robinet de l’immigration économique de travail. Étonnant décalage culturel : dans la tête de tous, les femmes et enfants venus en France depuis le milieu des années 1970 ont rejoint des travailleurs qui, en réalité, n’existent pas. L’immigration familiale s’est auto-engendrée, inventant à cette occasion un nouveau type d’immigration de peuplement.
    Les contextes économique mais aussi sociologique ont changé ; ces bouleversements expliquent en grande partie le changement de politique à l’égard des immigrés. À partir des années 1970, le capitalisme change de visage. Innovations technologiques, désindustrialisation, développement des services, puis délocalisations. Comme à la fin du XIX e siècle, le libre-échange des marchandises bouleverse l’économie mondiale ; mais, pour la première fois, il est accompagné, puis amplifié par le libre-échange des moyens de production : capitaux et hommes.
    La « mondialisation » représente la sortie par le haut du capitalisme pour retrouver une meilleure rentabilité financière et permettre à une nouvelle classe dominante de s’arracher à la promiscuité d’avec une classe moyenne enrichie. Trente ans plus tard, l’opération est doublement réussie : la « financiarisation de l’économie » a permis l’émergence d’une « superclasse mondiale » de nouveaux riches ; aux États-Unis, le degré d’inégalités est redevenu celui de 1920. Toute la politique redistributive depuis le New Deal a été effacée. Dans tous les pays d’Europe, on a suivi le même modèle. Seule la France est « à la traîne », s’accrochant vaille que vaille à sa philosophie égalitariste. Mais la France est aussi le pays le plus attaché symboliquement à son imaginaire égalitaire – et sa triple inspiration catholique, révolutionnaire, communiste –, où le fractionnement de la classe moyenne (re)prolétarisée, le déclassement social des enfants des classes populaires – diplômes transformés en assignats universitaires - sont vécus comme une trahison politique et même eschatologique de la République. D’où ces « jacqueries électorales » contre les élites : Le Pen présent au second tour de l’élection présidentielle de 2002 ; la victoire du « non » au référendum européen de 2005.
    La remise en cause idéologique des frontières avait débuté dès les années 1970 à l’extrême gauche. Celle-ci exaltait les « citoyens du monde » et faisait l’éloge du « nomadisme », opposé aux minables sédentaires petits-bourgeois. Cette diabolisation des frontières pour les hommes prépara le terrain dans l’opinion à son abolition pour les marchandises et les capitaux. L’immigration a toujours permis au patronat depuis l’aube du capitalisme industriel de faire pression à la baisse sur les salaires des ouvriers « indigènes ». Les Belges, les Italiens, les Espagnols ont déjà constitué ce que Karl Marx appelait « l’armée
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