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Mathilde - III

Titel: Mathilde - III
Autoren: Alain Pecunia
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cette pensée était vraiment trop présente pour qu’elle
pût l’oublier de sitôt. Mais qui, dans son entourage, à part Miss
Sarah, pouvait comprendre qu’elle avait craint de vivre un jour
sans le fantôme de son mari ? Et n’était-il pas nécessaire à
présent d’oublier les morts si l’on voulait vivre au lieu de les
commémorer en grande pompe ?
    Certes, cela aurait choqué son beau-frère. Mais Éléonore
l’aurait-elle épousé en secondes noces si elle n’avait parcouru
avant elle, et en bien moins de temps qu’elle n’en avait mis
elle-même, ce cheminement intérieur qui conduit à la vraie vie,
celle que l’on partage avec des êtres de chair et de sang bien
vivants ? Et qu’aurait pensé ce brave Gustave si Éléonore
avait pu être présente à la cérémonie pour commémorer le sacrifice
de son premier époux tué à la percée de Revigny ?
     
    Soudain, Mathilde se prit à penser qu’Éléonore n’avait nullement
souhaité assister à cette cérémonie pour cette raison et que le
fait que la santé de son fils lui eût donné quelque inquiétude n’en
avait été que le prétexte. Si elle pouvait comprendre sa
belle-sœur, le procédé lui en paraissait pas moins déloyal à son
égard. Elle eût préféré qu’Éléonore lui avouât simplement qu’elle
ne désirait pas être présente. « Mais l’aurais-je compris, se
dit-elle
in petto,
alors que j’étais bien loin d’imaginer
ce que j’allais ressentir aujourd’hui ? »
    Cela lui semblait une réelle délivrance.
    Tout aussitôt, elle frissonna. Elle détestait ce mot tant il
était lié dans son esprit à celui d’accouchement et que la
naissance de ces jumelles avait été rien moins qu’une torture pour
elle. Au point qu’elle avait cru en mourir. Comme sa mère à sa
naissance qui en était morte.
    – Vous frissonnez ? s’inquiéta son beau-frère. Auriez-vous
froid ?
    – Oui, en quelque sorte, dit-elle, mais je crois surtout que
cette marche m’a ouvert l’appétit.
    – Moi aussi, j’ai faim, et grandement. Et je crois d’ailleurs
que nous ne sommes pas les seuls, dit en riant son beau-frère après
s’être tourné vers les enfants. Nous sommes suivis par trois petits
ogres !
    Cela était si vrai que, l’entrée du domaine étant en vue,
Mathilde, sans avoir eu le temps de se retourner vers eux pour leur
enjoindre de presser le pas, se vit dépasser par ses filles et son
neveu qui se mirent à courir dans l’allée malgré leurs épais
manteaux et c’était à qui des trois pousserait le cri le plus
sauvage.
    – C’est affreux ! s’exclama Mathilde qui ne put s’empêcher
de rire d’une telle cacophonie et fut surprise de voir le visage de
son beau-frère devenir brusquement terreux et comme marqué de
stupeur.
    – Que vous arrive-t-il ? s’alarma-t-elle en se souvenant
qu’elle avait déjà vu le sang refluer du visage d’un homme, en
l’occurrence son cher ami Anne-Charles de la Fallois, précisément
dans cette même allée, et que la seconde suivante il s’évanouissait
dans ses bras.
    – Ce… ce n’est rien, bégaya-t-il.
    – Vous sentez-vous mal ? demanda-t-elle en s’apprêtant déjà
à soutenir son beau-frère.
    – Non, non, ce n’est rien, dit-il en se ressaisissant et en
hochant la tête comme pour s’éveiller d’un cauchemar. Ce sont les
cris des enfants…
    Cette phrase plongea Mathilde dans une grande perplexité.
    – J’ignorais que les cris des enfants pouvaient vous effrayer,
finit-elle pas dire. Ce n’est guère banal, dirait ma cuisinière, la
grosse Marie.
    Mathilde avait dit cela tout naturellement sans nulle intention
de se gausser de son beau-frère, mais le sang sembla refluer de
nouveau du visage de Gustave Bouteux et elle lut dans son regard
une terreur indicible. Aussi résolut-elle de prendre le taureau par
les cornes pour le faire réagir.
    – Ce ne sont que des enfants ! dit-elle sèchement d’un ton
de réprimande.
    – Des enfants ? lui éructa son beau-frère en retour.
    Tout à coup, elle crut avoir devant elle un parfait inconnu,
quasiment un dément, qui se permettait de la dévisager rageusement
au point qu’elle fit un pas en arrière et qu’elle regretta que le
père Antonin ne fût point à rôder dans les parages prêt à lui
prêter mainforte.
    – Des enfants ? éructa de nouveau Gustave Bouteux qui
semblait effectivement oublier qu’il s’adressait, sinon à sa
belle-sœur, du moins à son employeur. Peut-être !
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