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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore
Autoren: Jean-Pierre Charland
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allez vous reposer. Nous parlerons de droit lundi prochain.
    Cet ordre impératif ne se discutait pas. Mathieu leur adressa un dernier salut de la tête, puis il décida d’aller souper chez sa mère.
    Le dernier examen eut lieu le vendredi 30 avril. Ce soir-là, Mathieu marcha longuement sur le trottoir de la rue Saint-Joseph, en attendant la secrétaire du directeur du magasin PICARD. Flavie se manifesta largement après six heures.
    — Je suis désolée, il n’arrêtait pas de me donner des lettres à taper.
    — Je vais tenter de ne pas le prendre comme un affront personnel.
    L’homme se pencha pour embrasser la joue tendue, puis il lui offrit son bras.
    — Tu es prête à venir explorer la rue Saint-Jean?
    — Le restaurant à côté ferait l’affaire.
    — Mais le Café New York conviendra tout aussi bien, et cela nous changera un peu de nos habitudes de vieux couple.
    Elle leva sur lui ses beaux yeux. Le chapeau cloche tout neuf, en paille, lui donnait l’air d’une gamine un peu taquine. Ils se voyaient maintenant depuis plus de huit mois.
    Ce n’était pas exactement de longues fréquentations, mais le vicaire à qui elle confessait régulièrement ses petits et ses gros péchés lui demanderait bientôt si cette relation poursuivait un but honorable.
    Ils prirent un tramway au coin de la rue, parcoururent le reste de la distance à pied depuis la place d’Youville.
    Finalement, Flavie se montra heureuse de l’accroc à leurs habitudes. Quoique fraîche, la soirée était belle, assez pour aller contempler le fleuve depuis la terrasse Dufferin après le repas.
    Après les commentaires obligés sur la beauté du point de vue, la jeune femme demanda :
    — Tu dois te sentir soulagé. Cette horrible affaire s’est terminée avant-hier avec un verdict de culpabilité, et ce matin, tu as complété ton dernier examen.
    — Je me sens surtout un peu mal à l’aise de t’avoir négligée à ce point, ces derniers mois. Je suis allé te voir à la sauvette tout l’hiver.
    — Tu es venu souvent. Dommage qu’une fois sur deux, tu ne m’aies pas parlé.
    Le garçon la contempla sans trop comprendre.
    — Quand tu ne dors pas la nuit, tes longues marches te conduisent dans la Basse-Ville. L’automne dernier, puis de nouveau ce printemps, après les grands froids, tu t’es rendu chez moi.
    — Tu le savais ?
    — Dans ma maison de chambres aussi, certaines ont du mal à trouver le sommeil. Quelqu’un t’a aperçu. Après, c’est devenu une espèce de jeu, pour mes voisines. Un jour sur deux, elles me taquinaient sur mon amoureux transi, debout sur le trottoir au milieu de la nuit.
    Intimidée, Flavie prenait garde de lever les yeux vers lui.
    Mathieu regarda le profil régulier, les bouclettes brunes, le rouge des lèvres.

    — Parfois, surtout fin mars, je me trouvais bien transi.
    La pause dura quelques secondes, puis il ajouta :
    — Chaque fois, je me sentais amoureux.
    Alors, elle tourna la tête en sa direction, verrouilla son regard au sien. Ses doigts se crispèrent sur son avant-bras.
    — Je ne veux pas te décevoir, continua-t-il, mais je n’ai pas marché sous ta fenêtre tous les deux jours. Une fois par semaine tout au plus, quand la température se situait au-dessus de 28 degrés Fahrenheit.
    — Je me doutais bien qu’elles exagéraient. Moi, je ne t’ai jamais vu, mais ma logeuse voulait appeler la police.
    Pour un stagiaire au bureau du procureur général, un entrefilet dans les « Echos judiciaires » du Soleil aurait fait un bien mauvais effet.
    Imperceptiblement, Flavie se pencha au point de laisser son épaule s’appuyer contre son bras.
    — Cette petite fille, Marie-Jeanne, t’a beaucoup touché.
    — Pendant un moment, je l’ai vue comme une jumelle.
    La confidence laissa sa compagne troublée.
    — Je ne comprends pas.
    — Comme moi, elle s’est faite complice d’une très mauvaise action. Maintenant, en devenant la meilleure élève de l’hospice Saint-Joseph, elle essaie de se pardonner à elle-même.
    Après cela, Mathieu devait tout dire, ne serait-ce que pour ne pas laisser l’imagination de la jeune femme s’emballer. Le récit de son rôle dans le triste sort de deux déserteurs l’occupa jusqu’à
    ce
    que
    le
    soleil
    décline
    à
    l’horizon,
    derrière eux.
    — Nous avons très peu entendu parler de cela, ici. Il y a bien eu des rumeurs, après Courcelette...
    — A cette époque, précisa le vétéran, le général Tremblay avait obtenu onze
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