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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore
Autoren: Jean-Pierre Charland
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mots.
    Le député se planta devant les jurés pour déclarer :
    — Je suis certain que, depuis le début du procès, vous avez pu demeurer éloignés de toute l’agitation extérieure, étrangers à toutes les passions. Je demeure convaincu que vous rendrez un jugement conforme à la justice. Souvenez-vous que si vous êtes juges aujourd’hui, demain vous serez peut-être jugés.
    Arthur Fitzpatrick s’agita un peu sur sa chaise. Son adversaire venait d’inquiéter ceux qui, parmi ces douze hommes, se délectaient à jouer au père Fouettard. Ceux-là souhaiteraient que les tribunaux ne se mêlent pas de la vie des familles.
    Pendant de longues minutes, l’avocat évoqua toute cette longue histoire, admit que l’accusé avait peut-être été sévère avec sa fille l’été précédent. Pour l’édification de toute l’assistance, il cita un passage des Evangiles recommandant aux parents qui aiment leurs enfants d’employer les verges et la discipline pour les corriger.
    — N’en déplaise à ceux qui condamnent la correction corporelle, celle-ci est tout à fait conforme à la doctrine chrétienne.
    L’homme tenta ensuite de démontrer que dans la très grande majorité des cas, les châtiments infligés à la victime par l’accusé tenaient aux machinations de la marâtre. Les trois enfants avaient convenu de cela.
    — Dans ce drame, la principale victime, c’est le père trompé par sa femme, en qui il avait confiance, et par ses enfants, qui se sont fait les complices de la mère. Ces derniers prétendent avoir eu peur. Mais ils sont tout de même les complices de la mère, et à ce titre, coupables de meurtre avec elle.
    Dans la boîte, Télesphore Gagnon éclata en sanglots.
    Le regard du juge Déry passait en alternance de l’accusé à son défenseur en affichant du dégoût.
    — Vous devez rendre un verdict de non-culpabilité, afin de le rendre à ses enfants et à ceux de sa femme condamnée à mort. La justice se ferait bourreau en condamnant cet homme pour un crime dont il est innocent.
    Sur ces mots sinistres, il regagna sa place à la table de la défense. Armand Lavergne se leva afin de reprendre loin cet argumentaire en anglais pour un seul homme, John Reed. Enrhumé, la voix éteinte, il dut se placer à deux pieds de lui.

    *****
De retour de l’université, Mathieu entendit le plaidoyer de l’avocat nationaliste en rageant. Ensuite, Arthur Lachance s’adressa aux jurés en français. Lui aussi reprit toute l’histoire depuis le début, insistant sur les moments où Télesphore Gagnon avait châtié sa fille pour des motifs futiles, comme mettre un couvercle sur sa tête.
    — Les Evangiles recommandent-ils de battre ses enfants pour des bagatelles de ce genre? demanda-t-il.
    Surtout, l’homme insista sur le fait que l’accusé ne pouvait ignorer les conspirations de son épouse. En conséquence, il s’en faisait le complice. Cela, insista le substitut du procureur, devait lui valoir un verdict de culpabilité de meurtre.

    *****
    Le 28 avril, l’audience reprit à dix heures. Le juge Joseph-Alfred Déry prit sa place, un masque impassible sur le visage. Tous les sièges se trouvaient occupés, quelques personnes se tenaient debout, appuyées contre le mur.
    — Fermez les portes, demanda-t-il aux agents, et ne laissez plus entrer personne.
    Arthur Fitzpatrick donna en anglais le plaidoyer prononcé la veille par Lachance. Le tout se résumait à rendre Télesphore Gagnon complice de tous les mauvais traitements qui avaient mérité à sa femme la peine de mort. En conséquence, le même verdict s’imposait pour lui aussi.
    A dix heures quarante, le juge commença à donner ses directives aux jurés en anglais. Il lisait studieusement, sans jamais s’éloigner de son texte. Il s’arrêta à onze heures trente, visiblement épuisé. Il sembla hésiter, puis ajouta :
    — Messieurs les jurés, vous pouvez vous retirer quelques minutes. Les agents vont ouvrir les fenêtres afin de faire aérer un peu la salle.
    Le magistrat posa les yeux sur les hommes en uniforme debout au fond.
    — Toutefois, précisa-t-il à leur intention, vous gardez les portes fermées. Ne laissez entrer personne. Avec cette foule, nous étouffons déjà.
    Pendant que le magistrat s’apprêtait à sortir, Fitzpatrick se leva :
    — Votre Honneur, mon stagiaire...
    — Bien sûr, vous laisserez entrer ce grand jeune homme.
    La précaution du substitut du procureur servit les intérêts de Mathieu.
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