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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore
Autoren: Jean-Pierre Charland
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te remercie aussi, Marie-Jeanne. Te connaître m’a fait beaucoup de bien.
    Elle ouvrit ses grands yeux bruns incrédules.
    — Je t’assure, soutint-il en allongeant la main. Je suis allé à la guerre, mais tout de même, tu m’as donné une belle leçon de courage.
    Elle plaça ses doigts dans sa paume, les lui abandonna un long moment.
    — Je te souhaite d’être heureuse. Tu le mérites, crois-moi.
    — ... Merci. Toi aussi, Mathieu, sois heureux.
    Sur ce tutoiement, elle tourna les talons pour pénétrer dans le grand édifice. Elle ne tenait pas à lui montrer encore ses larmes.
    — Vous savez comment parler aux petites filles, commenta la religieuse.
    — J’ai dit l’absolue vérité.
    — Grâce à cela, justement, vous lui avez fait beaucoup de bien.
    La religieuse lui tendit la main. Le jeune homme l’accepta.
    — Merci à vous aussi, dit-il. Elle rêve d’aller à la campagne, cet été. Si vous pouvez intervenir auprès des membres de sa famille...
    — Je m’en occuperai. Je lui permettrai de vous écrire, une fois de temps en temps.
    — Je recevrai ses lettres avec plaisir, et je lui répondrai.
    Pendant que le jeune homme regagnait l’allée conduisant au trottoir, elle le força à se retourner en disant :
    — Ne vous inquiétez pas trop, elle aime étudier. Elle se plaira avec nous.
    — Et ensuite ?
    — Elle aime les enfants... C’est étrange, n’est-ce pas?
    Elle s’occupe des petits, ici. Elle continuera toute sa vie.
    — Je ne suis pas étonné, elle tient cela de sa mère, sa vraie mère.
    Sur ces mots, Mathieu adressa un signe de la main à la religieuse, puis il accéléra le pas.

    *****
    Malgré l’obligation de traduire tous les témoignages, deux jours et demi avaient suffi à l’accusation pour présenter sa preuve. Aussi, le 27 avril, quand Mathieu se présenta un peu après midi, après avoir noirci quelques feuillets lors de son examen, Fitzpatrick lui résuma les péripéties de la matinée. Quelques minutes plus tard, le juge Déry reprit sa place.
    — Maître Francœur, qui entendrons-nous d’abord ?
    — Monsieur Ferdinand Massé, prêtre, curé de Sainte-Philomène-de-Fortierville.
    Un silence presque recueilli accompagna la silhouette noire du fond de la salle jusqu’à la barre des témoins. Mince et longiligne, visiblement effaré de se trouver là, l’ecclésiastique gardait les yeux sur l’avocat de la défense.
    — Monsieur le curé, commença celui-ci d’une voix déférente, je comprends très bien la notion de secret de la confession. Je n’ose vous poser des questions. Je vous laisse donc le soin de nous éclairer sur cette affaire.
    La formule sembla un peu étrange à Mathieu, mais avec une personne se présentant comme l’intermédiaire entre ses paroissiens et Dieu, comment faire autrement ?
    — L’an passé, lors de ma visite paroissiale, je me suis présenté chez les Gagnon. La femme a alors accusé sa fille, je veux dire sa belle-fille, Aurore, d’avoir volé dans l’église.
    — ... Des objets de valeur ? souffla l’avocat.
    — Non, non, une simple pince utilisée pour retenir la nappe à la sainte table.
    Le ton indulgent ne trompa personne. Un larcin de ce genre paraîtrait un sacrilège aux yeux des bons catholiques de la province de Québec.
    — Cela m’a beaucoup attristé, car je savais que ce n’était pas vrai. De plus, ce jour-là, elle a porté de nombreuses autres accusations, en faisant allusion à des vices affreux.
    Après une pause, le saint homme conclut :
    — Je ne possède aucune autre information dont je puisse librement parler ici.
    Francœur s’inclina presque. Pendant ce temps, le substitut du procureur écrivait un petit mot qu’il glissa sous les yeux de son stagiaire: «Le bon curé ne témoigne pas pour la défense de l’accusé, mais pour la sienne. »
    — Maître Fitzpatrick ? demanda le magistrat.
    — Je n’ai pas de question, Votre Honneur.
    Bien sûr, on ne «transquestionnait» pas un prêtre.
    Droit et digne, le porteur de soutane quitta les lieux. Par la suite, six personnes vinrent témoigner de la bonne réputation de Télesphore Gagnon dans son milieu. Le pauvre docteur Andronic Lafond, tout surpris de se trouver là de nouveau, fit comme les autres.
    La succession des témoins voués à rappeler la bonne réputation de l’accusé prit bientôt fin. Le juge accorda quelques minutes à Napoléon Francœur pour mettre un peu d’ordre à la fois dans ses idées et dans ses
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