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Marguerite

Marguerite

Titel: Marguerite
Autoren: Louise Chevrier
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jour-l{, elle n’en pouvait plus d’entendre les gémissements du cochon égorgé, et l’odeur âcre du sang, mêlée à celle de la paille et aux relents de poils brûlés, lui donnait la nausée. Prise d’un violent haut-le-cœur, Marguerite courut à la rivière qui coulait à proximité de la ferme. Pâle et défaite, elle tremblait, transie de froid et de peur.

    Depuis quelque temps, elle ne se reconnaissait plus. Elle aurait bien voulu expliquer { sa mère son affolement, le cœur toujours au bord des lèvres et ce mal inconnu qui lui bar-bouillait le ventre. Seigneur Dieu ! Avait-elle attrapé un flux au ventre comme Julie Sabatté, qui en était morte à vingt ans? Terrorisée, Marguerite se taisait, espérant que ses malaises partent aussi subitement qu’ils étaient venus.
    Et sa mère, absorbée par les derniers jours de corvées et les soins de la maisonnée, ne voyait rien du trouble de sa fille. Le calme revenait dans la cour de la ferme. Les voisins s’en retournaient chez eux vaquer aux tâches urgentes qu’exigeaient les préparatifs d’avant la saison froide. Les Lareau les saluaient et les remerciaient, assurant que les enfants leur apporteraient plus tard dans la journée un morceau de boudin frais, la récompense attendue. Ainsi le voulait la coutume.
    A l’approche de l’hiver, la famille Lareau avait été la dernière du voisinage chez qui on faisait boucherie de cochon. L’été avait été généreux et les moissons engrangées promettaient un hiver sans histoire. Deux étables et une écurie bien entretenues abritaient les animaux de la ferme.
    Dans la grange s’entassaient de nombreuses bottes de foin et au grenier, il restait « en masse » de grain à battre. Au poulailler, Victoire avait gardé trois douzaines de poulets qu’on tuerait au cours de l’hiver et quelques bonnes pondeuses pour avoir des œufs frais jusqu’{ la période de couvaison, au
    printemps
    prochain.
    Le
    grand
    potager
    fami-
    lial, cultivé par Marguerite avec l’aide des plus jeunes, avait fourni profusion de légumes conservés au caveau, et des herbages séchaient, suspendus près du poêle en fonte de la grande chambre, la pièce principale de la maison.

    Demain, François Lareau débiterait la carcasse du cochon pour en tailler des rôts et des jambons. Pour le reste, dans les jours qui suivraient, Victoire et ses filles, avec l’aide de quelques voisines, confectionneraient tourtes, pâtés, cretons, tête fromagée et le bon ragoût de pattes dont tous raffolaient.

    *****
    Même si Marguerite aimait profondément sa famille, la vie { la ferme lui déplaisait et elle rêvait secrètement d’aller vivre au village. Au grand désarroi de ses parents, elle n’avait aucune disposition pour devenir une bonne femme d’habitant, surtout que depuis son enfance, la jeune fille avait eu la chance de fréquenter ses cousines, les demoiselles Boileau, qui vivaient au village. Elle avait goûté au plaisir des bonnes manières, des robes élégantes, des jolis chapeaux à rubans, des beaux attelages et de tous les agréments dont jouissaient les hôtes aisés de la belle maison lambrissée de bois, toute peinte en rouge, qui trônait au cœur de Chambly comme une reine triomphante entourée de sa cour. En comparaison, la maison familiale, si semblable à celles du voisinage de la Petite Rivière, toute en pierres telle qu’on les construisait autrefois avec l’âtre de la cheminée qui se dressait au milieu de la grande chambre, lui apparaissait terne et banale. Pourtant, un plancher de bois avait remplacé depuis longtemps la terre battue et, quelques années auparavant, son père avait modifié la demeure ancestrale en ajoutant une rallonge en bois qui servait de cuisine l’été et de débarras l’hiver. L’habitant l’avait même recouverte de peinture, démontrant ainsi son aisance matérielle. Ces aménagements avaient permis de désencom-brer le rez-de-chaussée et d’y installer un poêle en fonte à deux ponts avec ses tuyaux qui couraient au plafond, répandant partout une bonne chaleur.
    Toutefois, Marguerite et sa famille s’entassaient dans une maison où il n’y avait ni tapis de Bruxelles, ni porcelaine bleue, ni ustensiles d’argent. A l’étage, une pièce simplement meublée d’un vieux coffre et de deux lits faisait office de dortoir pour les garçons. Les deux filles s’accommodaient d’un réduit séparé par une mince cloison. La petite dernière couchait encore
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