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Ma mère la terre - Mon père le ciel

Ma mère la terre - Mon père le ciel

Titel: Ma mère la terre - Mon père le ciel
Autoren: Sue Harrison
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celui-ci sur la natte. Puis elle commença à traîner le shaman vers l'ulaq des morts à l'orée du village.
    L'ulaq des morts était à l'écart comme une maison réservée aux défunts ou à tout esprit venu rendre visite au village des Premiers Hommes. Le conduit de fumée était bouché par des branchages et seuls le shaman ou le chef des chasseurs étaient autorisés à l'ouvrir pour recevoir le corps de celui qui venait de mourir.
    Chagak avait toujours évité de s'approcher de l'ulaq des morts et n'avait jamais emprunté le sentier qui y conduisait, mais avec l'amulette elle savait qu'elle avait une protection.
    Le corps du shaman était lourd et elle ne pouvait le traîner plus de quelques pas sans être obligée de s'arrêter pour se reposer, mais elle était forte et habituée à transporter des outres d'eau du ruisseau chaque matin.
    Elle travailla jusqu'à ce qu'en dépit du vent froid elle sentît la chaleur. L'air était encore chargé de fumée et chaque respiration semblait alourdir encore la tâche de la jeune fille, mais finalement elle amena le corps du shaman en haut de l'ulaq. Elle retira le bois qui obstruait l'ouverture en serrant l'amulette et en se demandant ce que les esprits pourraient lui faire à elle, faible femme, pour avoir osé ouvrir l'ulaq, mais elle réfléchit qu'il n'y avait rien de pire que de laisser des corps sans sépulture et que mieux valait utiliser cet endroit réservé aux morts. Cette pensée calma ses frayeurs.
    Elle n'avait pas de couverture pour envelopper le corps du shaman, pas d'herbes sacrées à faire brûler, pas d'huile pour oindre son corps, alors elle se mit à chanter une complainte qu'elle avait toujours entendue à l'occasion d'une mort, un plaidoyer à Aka, une prière en faveur de l'esprit disparu. Puis elle fit rouler le corps vers l'ouverture et le laissa tomber à l'intérieur.
    Ensuite elle remit les branchages en place et se retourna vers le village. De ce côté d'autres corps étaient en vue, des hommes pour la plupart ; certains tellement brûlés qu'ils étaient méconnaissables. Soudain Chagak ressentit un grand besoin de retrouver son père et Traqueur de Phoques. Avaient-ils pu s'échapper? Et s'ils ne comptaient pas parmi les morts?
    Elle alla lentement de corps en corps. Malgré l'horreur, elle s'habituait à l'odeur de la mort, à la puanteur qui semblait se loger au fond de sa gorge, et parfois, en reconnaissant un oncle, une tante, un cousin ou un ami, elle était obligée de se détourner et de se presser vers d'autres corps.
    Elle trouva le jeune frère de Traqueur de Phoques et le traîna jusqu'à l'ulaq des morts. Il n'avait pas plus de huit ou neuf étés et il ne fut pas aussi lourd que le shaman à transporter, mais le chagrin qu'elle éprouvait semblait ajouter du poids à son corps.
    A l'ulaq des morts, elle répéta son chant et souleva le corps vers l'obscurité. Après avoir refermé l'ouverture, Chagak se rendit compte que le soleil était sur le point de ce coucher et la pensée d'être seule durant la courte nuit fit battre son cœur plus vite.
    Qui savait ce que les esprits pourraient faire? Maintenant tous ces morts auraient dû recevoir un rite sacré avant d'être enterrés convenablement, et elle n'en avait enterré que deux. Combien y avait-il d'habitants au village? Trois fois dix? Quatre fois dix?
    — Je ne peux les enterrer tous! cria-t-elle à Aka. Ne me demande pas de les enterrer tous. Ils sont trop nombreux!
    Puis une idée lui vint : utiliser chaque ulaq comme un ulaq des morts. Il y avait trop de corps pour un seul ulaq.
    Alors, sous le soleil couchant, Chagak se rendit d'abord à l'ulaq de son père.
    Le tronc d'arbre entaillé qui servait d'échelle pour se rendre à l'intérieur de l'ulaq était gravement brûlé et Chagak dut descendre à bout de bras en se laissant tomber sur le sol en dessous. Elle tâtonna dans l'obscurité jusqu'à ce qu'elle finisse par trouver une lampe à huile, puis, utilisant de la mousse, un silex et une pierre à feu qu'elle gardait dans un sac attaché à sa taille, elle frotta les pierres les unes contre les autres jusqu'à ce qu'une étincelle jaillisse et enflamme la mousse sèche.
    La plus grande partie de l'huile dans le récipient en pierre creuse était épuisée, mais il en restait suffisamment pour laisser la flamme brûler pendant qu'elle faisait le tour des réserves de provisions nichées dans les murs. Rien à cet endroit n'avait brûlé et, quand Chagak
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