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Ma mère la terre - Mon père le ciel

Ma mère la terre - Mon père le ciel

Titel: Ma mère la terre - Mon père le ciel
Autoren: Sue Harrison
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difficile. Elle avait disposé de la plupart des corps, il n'en restait que quelques-uns dehors. Il n'y aurait plus beaucoup de chants funèbres.
    Je terminerai demain, se promit-elle. Puis une pensée lui vint. Quelque chose qui lui était venu à l'esprit quand elle avait trouvé le corps de Traqueur de Phoques. Moi aussi je devrais être morte. Quelle joie y avait-il à vivre seule ? Elle ne serait jamais une épouse, ne porterait pas d'enfant. Elle vivrait en redoutant les esprits, en craignant les étrangers. Comment une femme pouvait-elle vivre seule face aux pouvoirs du ciel et de la terre ? Mieux valait mourir.
    Cette nuit-là, en s'endormant, Chagak pensa à la mort et aux différentes façons de la donner.
    Le lendemain matin, Chagak enterra les trois corps restants; celui de l'homme qui avait tué Traqueur de Phoques fut abandonné aux oiseaux. Chagak passa une partie de la journée à rassembler toutes les armes qu'elle put trouver. Il y en avait peu, pas assez pour tous les chasseurs de sa tribu. Les assaillants devaient en avoir emporté avec eux en partant. Mais il serait difficile pour les hommes de sa tribu d'aller dans l'autre monde aussi démunis, pensa-t-elle. Comment pourraient-ils chasser?
    Chagak passa beaucoup de temps à inspecter l'intérieur des ulas pour en sortir les armes afin de donner à chaque homme qui n'avait pas de lance tout ce qui pouvait ressembler à une arme, de petits couteaux à lame de pierre aiguisée, des morceaux d'obsidienne, des pierres martelées. Peut-être pourraient-ils s'en servir pour fabriquer leurs propres armes ?
    Le temps était maintenant venu pour elle de mourir. Elle s'y prépara avec soin en commençant par un bon repas, le premier qu'elle prenait depuis son retour. Puis elle se lava soigneusement le visage et les mains dans une des flaques laissées par la marée. Le visage de son esprit qui se reflétait dans l'eau paraissait vieux et fatigué et nullement celui d'une jeune fille qui était devenue une femme et n'avait que treize étés.
    Elle démêla ses cheveux et retira son suk pour se laver les bras et la poitrine. Le suk était presque arraché. Le haut et le bas s'étaient détachés, cassant de nombreuses plumes, et celles qui restaient étaient souillées de sang. Elle les rinça et les redressa. Enfin elle lava son couteau et aiguisa la lame de pierre sur l'amulette du sha-man qu'elle portait encore autour de son cou.
    Elle avait besoin de certaines choses pour sa mort et elle recommença à fouiller les ulas, prenant des objets nécessaires : une lampe pour la guider vers sa famille, des fourrures propres, un estomac de phoque servant d'outre et contenant de l'huile et une autre outre de nourriture. Elle ne savait pas combien de jours il lui faudrait pour voyager seule et trouver les Lumières Dansantes.
    Elle rassembla tous ces objets dans sa chambre, puis elle s'assit en tenant son couteau dans la main droite, prête à couper l'artère qui battait à son cou. Dans la main gauche elle tenait un bol pour recueillir le sang.
    Mais soudain elle éprouva un désir irrésistible de sentir encore une fois le vent, d'entendre la mer, d'avoir le soleil sur son visage et elle abandonna le couteau et le bol pour monter en haut de l'ulaq.
    Elle marcha jusqu'à la plage et en dépit de son chagrin elle éprouva une sorte de joie de s'être accordé la chance de revoir le monde une dernière fois, d'entendre encore le long cri désespéré des grèbes, le kik-kik-kik-kik haut perché des hirondelles de mer.
    Chagak se mit à chanter, d'abord des chants réconfortants, des ballades qu'on lui avait apprises quand elle était enfant, puis des chants funèbres pour elle-même. Finalement des nuages voilèrent le soleil, un vent froid s'éleva de la mer et Chagak quitta la plage pour remonter vers l'ulaq de son père.
    Elle venait de gravir le toit quand elle entendit une sorte de cri étouffé venant de la colline au-dessus du village, elle eut l'impression que quelqu'un d'autre se lamentait, comme s'il existait un être vivant en dehors d'elle.
    Un enfant? Comment un enfant aurait-il pu survivre aux deux et presque trois jours depuis l'attaque du village? Mais un espoir grandit au fond d'elle-même, si fort qu'elle en eut la gorge serrée et qu'elle ne put même pas proférer un mot. Lentement, avec précaution, elle s'avança vers l'endroit d'où venait ce cri et arriva ainsi en haut de la colline.
    D'abord elle ne vit que le corps de la femme — Aile
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