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Ma mère la terre - Mon père le ciel

Ma mère la terre - Mon père le ciel

Titel: Ma mère la terre - Mon père le ciel
Autoren: Sue Harrison
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les flammes qui s'élevaient sur le toit de l'ulaq.
    Chagak tomba à genoux. Les cris qu'elle avait retenus s'élevèrent pour se joindre à ceux de sa mère et de sa sœur.
    Un coup de vent souffla de la mer, emportant des flammes comme des vagues orange dans le ciel, et le village se couvrit de fumée.
    Chagak pressa son visage contre la terre et resta immobile, sanglotant. Elle s'agrippa à l'herbe comme la loutre de mer s'était accrochée au varech, pour empêcher les vagues de l'emporter, de l'emporter...
    2
    Tapie dans l'herbe haute, Chagak attendit toute la nuit.
    Elle tenait son couteau de femme et frottait le manche en bois contre sa joue. Si les hommes la trouvaient elle se tuerait avant qu'ils ne la touchent.
    Mais finalement, quand les cris eurent cessé et que les feux ne brûlèrent plus que sporadiquement entre les ulas, les hommes partirent. Chagak les vit charger leurs ikyan de fourrures, d'huile et de provisions du village. Elle les surveilla jusqu'à ce qu'ils aient disparu derrière les falaises qui bordaient la baie abritée du village de son peuple.
    Une douleur lancinante oppressait la poitrine de la jeune fille et pesait sur ses épaules comme si l'un des assaillants l'avait poignardée, elle aussi, comme si un couteau était logé entre ses côtes, pénétrant plus profondément à chaque mouvement. Et quand elle ne put plus supporter son désespoir, elle pleura, vidant son corps de toute substance, et resta immobile jusqu'à ce que le vent ait séché les larmes de ses joues.
    Au petit matin, un brouillard épais tourna autour de chaque ulaq, couvrant tout le village d'une robe de deuil. La fumée perçant le brouillard apportait une odeur repoussante de chair brûlée.
    Chagak observa longtemps le village mais ne vit aucun signe de vie et finalement elle rampa derrière la colline, hors de vue de l'ulakidaq, et se fraya un chemin vers le sud, jusqu'au sommet de la plus basse colline d'où elle pouvait voir la plage.
    Celle-ci était orientée à l'est et s'étendait en une longue courbe au-dessous des falaises. C'était une belle plage de graviers avec de nombreuses flaques d'eau laissées par la marée où les enfants et les vieilles femmes pouvaient ramasser des oursins et de petits poissons. Les falaises abritaient les nids des pingouins et des macareux. Au printemps, Chagak et ses amies escaladaient les falaises et se hissaient au sommet avec des cordes et des harnais pour poser des pièges à l'entrée des trous où nichaient les oiseaux, pour ramasser des œufs blancs de pingouins ou des œufs tachetés de noir de guillemots. Un récif s'étendait au-delà de la plage et à marée basse, les femmes pagayaient dans leurs iks largement ouverts pour récolter des mollusques et des ara-pèdes attachés aux rochers.
    Au cours des plus claires journées d'été, les petits garçons s'allongeaient en haut des falaises, tandis que leurs pères circulaient dans leurs ikyan au-dessous d'eux. Lorsque l'un des enfants distinguait un des lents lamantins dans les eaux sombres, il le signalait par ses cris et les hommes dirigeaient leurs légères embarcations à l'endroit où se trouvait l'animal. Leurs harpons étaient attachés à l'extrémité de l'ikyak au bout d'une corde fixée sur le côté de l'embarcation et, quand tous les hommes avaient lancé leur harpon, ils tiraient le lamantin sur le rivage avec leurs nombreuses lignes et appelaient les femmes pour préparer une fête avec cette viande délicieuse, une viande qui gardait sa saveur même lorsqu'elle commençait à se décomposer et à se couvrir d'asticots.
    Chagak se redressa sur son ventre en prenant soin de ne pas écarter les herbes autour d'elle afin de rester cachée. Elle se sentait plus vulnérable le jour. Certains de ces hommes aux longs cheveux pouvaient être restés en arrière-garde.
    Cependant la plage semblait déserte. Chagak voyait les traces laissées dans les graviers par les quilles des ikyan des agresseurs. Elle attendit longtemps, craignant de bouger de la falaise. Et si les hommes avaient caché leurs embarcations ? Et s'ils attendaient ceux qui avaient pu s'échapper? Il y avait sûrement d'autres survivants au village en dehors d'elle-même.
    La jeune fille avait la bouche sèche et regrettait de ne pas avoir son panier de baies avec elle. Le sommet des falaises était trop rocailleux pour qu'il y pousse autre chose que de l'oseille et de l'herbe. Elle arracha une poignée d'herbe et la mâcha, espérant y
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